Том 7. О развитии революционных идей в России
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Nous avons vol'e la civilisation, et Jupiter veut nous punir avec le m^eme acharnement qu'il a mis `a tourmenter Prom'eth'ee.
A c^ot'e d'On'eguine, Pouchkine a plac'e Vladimir L'enski, autre victime de la vie russe, le vice-versa d'On'eguine. C'est la souffrance aigu"e, `a c^ot'e de la souffrance chronique. C'est une de ces natures virginales, pures, qui ne peuvent s'acclimater dans un milieu corrompu et fou, qui ont accept'e la vie, mais ne peuvent rien accepter de plus du sol immonde, si ce n'est la mort. Victimes expiatoires, ces adolescents passent jeunes, p^ales, marqu'es au front par la fatalit'e, comme un reproehe, comme un remords et laissent encore plus noire la nuit triste dans laquelle
Pouchkine a trac'e le caract`ere de L'enski avec cette tendresse, qu'on a pour les r^eves de sa jeunesse, pour les r'eminiscences de ce temps o`u l'on a 'et'e si plein d'esp'erance, de puret'e, d'ignorance. L'enski est le dernier cri de conscience d'On'eguine, car c'est lui-oi^enie, c'est son id'eal de jeunesse. Le po`ete a vu qu'un tel homme l'avait rien `a faire en Russie, il l'a tu'e da la main d'On'eguine, d'On'eguine qui l'aimait et qui, en le visant, ne voulait pas le blesser. Pouchkine s'est effray'e lui-m^eme de cette fin tragique, il se presse de consoler le lecteur, en lui tracant la vie banale qui attendait le jeune po`ete.
A c^ot'e de Pouchkine se place aussi un L'enski – ce fut V'en'evitinoff, ^ame candide et po'etique 'ecras'ee par les mains grossieres de la vie russe, `a vingt-deux ans.
Entre ces deux types, entre l'enthousiaste d'evou'e, entre le po`ete, et de l'autre c^ot'e, l'homme fatigu'e, aigri, inutile; entre la tombe de L'enski et l'ennui d'On'eguine, se tra^ine le fleuve profond et bourbeux de la Russie civilis'ee, avec ses aristocrates, bureaucrates, officiers, gendarmes, grands-ducs et empereur, masse informe et muette de bassesse, de servilisme, de l'erocit'e et d'envie, qui entra^ine et engloutit tout, «ce goultre, comme dit Pouchkine, o`u, cher lecteur, nous nous baignons avec vous».
Pouchkine a d'ebut'e par des po'esies r'evolutionnaires d'une grande beaut'e. Alexandre l'a exil'e de P'etersbourg sur les confins m'eridionaux de l'empire; nouvel Ovide, il passa l''epoque de sa vie de 1819 `a 1825 dans la Chersonese taurique. S'epar'e de ses amis, loin du mouvement politique, au centre d'une nature magnifique mais sauvage, Pouchkine, po`ete avant tout, se concentra dans son lyrisme; ses pi`eces lyriques sont les phases de sa vie, la biographie de son ^ame; on y trouve les vestiges de tout ce qui 'emouvait cette ^ame de feu, la v'erit'e et l'erreur, l'entra^inement passager d'un moment et les sympathies profondes et 'eternelles. Nicolas rappela Pouchkine de l'exil quelques jours apr`es avoir fait pendre les h'eros du 14 d'ecembre. Il voulut le perdre dans l'opinion publique par sa gr^ace, le r'eduire par ses bont'es.
Pouchkine rentra et ne reconnut plus ni la soci'et'e de Moscou ni la soci'et'e de P'etersbourg. Il ne trouva plus ses amis, on n'osait m^eme pas prof'erer leur nom, on ne parlait que d'arrestations, de visites domiciliaires, d'exil; tout 'etait sombre et terrifi'e. Il rencontra un instant Mickiewicz, cet autre po`ete slave; ils se tendirent la main comme au milieu d'un cimeti`ere. L'orage grondait sur leurs t^etes: Pouchkine revenait de l'exil, Mickiewicz s'y rendait. Leur entrevue fut lugubre, mais ils ne se comprirent pas. Le cours de Mickiewicz, au Coll`ege de France, a mis au jour le dissentiment qui existait entre eux; pour un Polonais et un Russe le temps de se comprendre n''etait pas encore arriv'e.
Nicolas, continuant la com'edie, nomma Pouchkine gentilhomme de la chambre. Celui-ci saisit le trait et ne vint pas `a la cour. On lui pr'esenta alors l'alternative de se rendre au Caucase ou de rev^etir l'habit de cour. Il 'etait d'ej`a mari'e `a une femme qui a caus'e ensuite sa perte, un second exil qui paraissait plus p'enible que le premier, – il opta pour la cour. On reconna^it le mauvais c^ot'e du caract`ere russe dans ce manque de fiert'e, de r'esistance, dans cette souplesse douteuse.
Le grand-duc h'eritier le complimentant un jour `a l'occasion de sa promotion,
En 1837, Pouchkine fut tu'e en duel par un de ces spadassins 'etrangers qui, comme les mercenaires du moyen ^age ou les Suisses de nos jours, vont mettre leur 'ep'ee au service de tout despotisme. Il tomba au milieu de la pl'enitude de ses forces, sans avoir achev'e ses chants, sans avoir dit ce qu'il avait `a dire.
Tout P'etersbourg, `a l'exception de la cour et de son entourage, pleura; ce fut alors seulement qu'on vit quelle popularit'e il avait acquise. Pendant son agonie, une foule compacte se pressait autour de sa maison pour avoir des nouvelles de sa sant'e. Comme c''etait `a deux pas du Palais d'hiver, l'empereur put, de ses fen^etres, contempler la foule; il en concut de la jalousie et confisqua au public les fun'erailles du po`ete; on transporta furtivement, par une nuit glaciale, le corps de Pouchkine, entour'e de gendarmes et d'agents de police, dans une tout autre 'eglise que celle de sa paroisse; l`a, un pr^etre lut h^ativement la messe des morts, un tra^ineau emporta le corps du po`ete dans un couvent du gouvernement de Pskov, o`u se trouvaient ses terres. Lorsque la foule ainsi tromp'ee se porta `a l''eglise o`u avait 'et'e d'epos'e le d'efunt, la neige avait d'ej`a effac'e toute trace du convoi.
Un sort terrible et sombre est r'eserv'e chez nous `a quiconque ose lever la t^ete au-dessus du niveau trac'e par le sceptre imp'enal; po`ete, citoyen, penseur, une fatalit'e inexorable les pousse dans la tombe. L'histoire de notre litt'erature est un martyrologe ou un registre des bagnes. Ceux-m^emes que le gouvernement a''epargn'es p'erissent, `a peine 'eclos, se pressant de quitter la vie. L`a sotto i giorni brevi e nebulosi Nasce una go^ute a cui il morir non duole.
Ryl'eieff pendu par Nicolas.
Pouchkine tu'e dans un duel, `a trente-huit ans.
Gribo"i'edoff assassin'e `a T'eh'eran.
Lermontoff tu'e dans un duel, `a 30 ans, au Caucase.
V'en'evitinoff tu'e par la soci'et'e, `a vingt-deux ans.
Koltzoff tu'e par sa famille, `a trente-trois ans.
B'elinnski tu'e, `a trente-cinq ans, par la faim et la mis`ere.
Pol'eja"ietf mort dans un h^opital militaire, apr`es avoir 'et'e forc'e de servir comme soldat au Caucase pendant huit ann'ees.
Baratynski mort apr`es un exil de douze ans.