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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Plus d'illusion possible: le peuple resta spectateur indiff'erent du 14 d'ecembre. Tout homme consciencieux voyait le r'esultat terrible du divorce complet d'entre la Russie nationale et la Russie europ'eis'ee. Tout lien actif 'etait rompu entre les deux partis, il fallait le renouer, mais de quelle mani`ere? C''etait la une grande question. Les uns pensaient qu'on n'arriverait `a rien en laissant la Russie `a la remorque de l'Europe; ils fondaient leurs esp'erances, non sur l'avenir, mais sur le retour au pass'e. Les autres ne voyaient dans l'avenir que malheur et d'esolation. Ils maudissaient la civilisation hybride et le peuple apathique. Une tristesse profonde s'empara de l'^ame de tous les hommes pensants.

Le chant sonore et large de Pouchkine r'esonnait seul dans les plaines de l'esclavage et du tourment; ce chant prolongeait l''epoque pass'ee, remplissait de ses sons m^ales le pr'esent et envoyait sa voix `a l'avenir lointain. La po'esie de Poiickhine 'etait un gage et une consolation. Les po`etes qui vivent dans les temps de d'esespoir et de d'ecadence n'ont pas de chants pareils; ils ne conviennent gu`ere aux enterrements.

L inspiration de Pouckhine ne l'a pas tromp'e. Le sang qui avait afflu'e au coeur frapp'e de terreur ne pouvait s'y arr^eter: il recommenca bient^ot `a se manifester `a l'ext'erieur.

D'ej`a on voyait un publiciste 'elever courageusement la voix pour rallier les timor'es. Cet homme qui avait pass'e toute sa jeunesse en Sib'erie, sa patrie, s'occupant du commerce qui ne tarda pas `a le d'ego^uter, s'adonna `a la lecture. D'enu'e de toute instruction, il apprit sans ma^itre le francais et l'allemand et vint se fixer `a Moscou. L`a, sans collaborateurs, sans connaissances, sans nom dans la litt'erature, il concut l'id'ee de r'ediger une revue mensuelle. Il 'etonna bient^ot les lecteurs par la vari'et'e encyclop'edique de ses articles. Il 'ecrivait hardiment sur la jurisprudence et sur la musique, sur la m'edecine et sur la langue sanscrite. L'histoire russe 'etait une de ses sp'ecialit'es, ce qui ne l'emp^echait pas d''ecrire des nouvelles, des romans et enfin des critiques, dans lesquelles il obtint bient^ot un grand succ`es.

Dans les 'ecrits de Polevoi on chercherait en vain une grande 'erudition, une profondeur philosophique, mais il savait, dans chaque question, relever le c^ot'e humanitaire; ses sympathies 'etaient lib'erales. Sa revue, le T'el'egraphe de Moscou, a eu une grande influence, et nous devons d'autant plus reconna^itre le service qu'elle a rendu, qu'elle se publiait dans le temps le plus sinistre. Que pouvait-on 'ecrire le lendemain de l'insurrection, la veille des ex'ecutions? La position de Pol'evo"i 'etait tr`es difficile. Son obscurit'e d'alors le sauva des pers'ecutions. On 'ecrivait peu `a cette 'epoque; une moiti'e des hommes de lettres 'etait en exil, l'autre se taisait. Un petit nombre de ren'egats, comme les fr`eres siamois Gretch et Boulgarine, s''etaient ralli'es au gouvernement, apr`es avoir couvert leur participation au 14 d'ecembre par des d'enonciations contre leurs amis et par la suppression d'un prote qui avait compos'e sous leurs ordres, `a l'imprimerie de Gretch, des proclamations r'evolutionnaires. Ils dominaient `a eux seuls alors le journalisme de P'etersbourg. Ils y faisaient de la police et non de la litt'erature. Pol'evo"i sut se maintenir contre toute r'eaction jusqu'en 1834, sans trahir la cause; nous ne devons pas l'oublier.

Polevoi a commence `a d'emocratiser la litt'erature russe, il la fit descendre de ses hauteurs aristocratiques et la rendit plus populaire ou au moins plus bourgeoise. Ses plus grands ennemis 'etaient les autorit'es litt'eraires qu'il attaqua avec une ironie impitoyable. Il avait compl`etement raison de penser que tout an'eantissement d'autorit'e est un acte r'evolutionnaire et que l'homme qui a su s''emanciper de l'oppression des grands noms et des autorit'es scolastiques ne peut rester enti`erement esclave religieux, ni esclave civil. Avant Pol'evo"i, les critiques se hasardaient quelquefois, au milieu d'une quantit'e de r'eticences et d'excuses, `a de l'eg`eres observations sur Derjavine, Karamzine, ou sur Dmitrieff, tout en reconnaissant que leur grandeur 'etait incontestable. Pol'evo"i se mit, d`es le premier jour, sur un pied de parfaite 'egalit'e, et commenca `a s'en prendre aux figures graves et dogmatiques de ces grands ma^itres. Le vieillard Dmitrieff, po`ete et ci-devant ministre de la justice, parlait avec tristesse et effroi de l'anarchie litt'eraire qu'introduisait Pol'evo"i par son manque de respect pour les hommes dont les services 'etaient reconnus par le pays entier. Pol'evo"i n'attaqua pas seulement les autorit'es litt'eraires, mais encore les savants; il osait douter de leur science, lui, le petit n'egociant sib'erien qui n'avait pas fait d''etudes. Les savants ex officio se li`erent avec les litt'erateurs 'em'erites aux cheveux blancs et commenc`erent une guerre en r`egle contre le journaliste insurg'e.

Pol'evo"i, connaissant le go^ut du public, an'eantissait ses ennemis par des articles mordants. Il r'epondait par une plaisanterie aux observations savantes et par une impertinence qui faisait rire aux 'eclats `a une dissertation ennuyeuse. On ne peut se faire une id'ee de la curiosit'e avec laquelle le public suivait la marche de cette pol'emique. On e^ut dit qu'il comprenait qu'en attaquant les autorit'es litt'eraires, Pol'evo"i avait en vue d'autres autorit'es. Il profitait en effet de chaque occasion pour toucher les questions les plus 'epineuses de la politique et il le faisait avec une adresse admirable. Il disait presque tout, sans qu'on p^ut jamais s'en prendre `a lui. Il faut le dire, la censure contribue puissamment `a d'evelopper le style et l'art de ma^itriser sa parole. L'homme, irrit'e par un obstacle qui l'offense, veut le vaincre et y parvient presque toujours. La p'eriphrase porte en elle les traces de l''emotion, de la lutte; elle est plus passionn'ee que le simple 'enonc'e. Un mot sous-entendu est plus fort sous son voile, toujours transparent pour celui qui veut comprendre. La parole comprim'ee concentre plus de sens, elle est aigre; parler de la mani`ere que la pens'ee soit lucide mais que les mots viennent au lecteur lui-m^eme, c'est la meilleure mani`ere de convaincre. Les sous-entendus augmentent la force de la parole, la nudit'e comprime l'imagination.Le lecteur qui sait combien l''ecrivain doit se tenir en garde lit avec attention; un lien secret s''etablit entre lui et l'auteur: l'un cache ce qu'il 'ecrit, l'autre ce qu'il comprend. La censure aussi est une toile d'araign'ee qui prend les petites mouches et que les grandes d'echirent. Les personnalit'es, les allusions meurent sous l'encre rouge; les pens'ees 'energiques, la po'esie v'eritable passent avec m'epris `a travers ce vestiaire, en se laissant tout au plus un peu brosser [9]

9

Apr`es la r'evolution de 1848, la censure est devenue a monomanie de Nicolas. Non content de la censure ordinaire et des deux censures qu il a 'etablies hors de ses Etats, `a Iassy et `a Bucarest, o`u l'on n''ecrit pas en russe, il a cr'e'e une seconde censure `a Petersburg; nous sommes disposes `a esp'erer que cette double censure sera plus utile que la censure simple. On arrivera `a imprimer les livres russes hors de la Russie, on le fait d'ej`a, et c'est `a savoir qui sera plus adroit, de la parole libre ou de l'empereur Nicolas.

Avec le T'el'egraphe, les revues commencent `a dominer dans la litt'erature russe. Elles absorbent tout le mouvement intellectuel On achetait peu de livres, les meilleures po'esies et nouvelles voyaient le jour dans les revues, et il fallait quelque chose d'extraordinaire, un po`eme de Pouckhine ou un roman de Gogol, pour attirer l'attention d'un public aussi clairsem'e, que l'est celui des lecteurs en Russie. Dans aucun pays, l'Angleterre except'ee, l'influence des revues n'a 'et'e aussi grande. C'est en effet la meilleure forme pour r'epandre la lumi`ere dans un pays vaste. Le T'el'egraphe, le Messager de Moscou, le T'elescope, la Biblioth`eque de lecture, les Annales patriotiques et leur fils naturel le Contemporain, sans 'egard `a leur tendance tr`es diverse, ont r'epandu une quantit'e immense de connaissances, de notions, d'id'ees pendant les derni`eres vingt-cinq ann'ees. Elles mettaient les habitants des gouvernements d'Omsk et de Tobolsk dans la possibilit'e de lire les romans de Dickens ou de George Sand, deux mois apr`es leur apparition `a Londres ou `a Paris. Leur p'eriodicit'e m^eme avait, l'avantage de r'eveiller les lecteurs paresseux.

Pol'evo"i a trouv'e le moyen de continuer le T'el'egraphe jusqu'en 1834. Et pourtant la pers'ecution de la pens'ee redoubla apr`es la r'evolution de Pologne. L'absolutisme vainqueur perdit toute fausse honte, toute pudeur. On punissait les espi`egleries d''ecoliers comme des r'evoltes `a main arm'ee, on exilait des enfants de 15 `a 16 ans, on les faisait soldats `a vie. Un 'etudiant de l'Universit'e de Moscou, Pol'eja"ieff, d'ej`a connu par ses po'esies, fit quelques vers lib'eraux. Nicolas, sans le faire juger, le fit venir chez lui, lui ordonna de lire ses vers `a haute voix, l'embrassa et l'envoya comme simple soldat dans un r'egiment, peine absurde qui ne pouvait surgir que dans l'esprit d'un gouvernement insens'e qui prend l'arm'ee russe pour une maison de correction ou pour un bagne. Huit ans apr`es, le soldat Pol'eja"ieff mourut `a l'h^opital militaire. Un an plus tard, les fr`eres Kritzki, 'egalement 'etudiants de Moscou, allaient aux colonies disciplinaires pour avoir, si je ne me trompe pas, cass'e le buste de l'empereur. Depuis, personne n'a entendu parler d'eux. En 1832, sous le pr'etexte d'une soci'et'e secr`ete, on arr^etait une douzaine d''etudiants qu'on envoyait ensuite aux garnisons d'Orenbourg o`u on leur adjoignait le fils d'un ministre luth'erien, Jules Kolreif, qui n'a jamais 'et'e sujet russe, qui ne s'est jamais occup'e que de musique, mais qui avait os'e dire qu'il ne voyait pas de devoir `a d'enoncer ses amis. En 1834, on nous jeta, mes amis et moi, dans les prisons, et, apr`es huit mois, on nous exila en qualit'e de scribes aux chancelleries des provinces 'eloign'ees. On nous accusait de l'intention de former une soci'et'e secr`ete et de vouloir faire de la propagande saint-simonien-ne; on nous lut, par forme de mauvaise plaisanterie, la sentence de mort et l'on nous annonca que l'empereur, avec la bont'e impardonnable qui le caract'erise, n'avait ordonn'e contre nous qu'une peine correctionnelle – l'exil. Cette punition a dur'e plus de cinq ans.

Le T'el'egraphe fut suspendu le m^eme an 1834. Pol'evo"i, en perdant son journal, se trouva d'erout'e. Ses essais litt'eraires ne march`erent plus; aigri et d'esappoint'e, il quitta Moscou pour aller vivre `a P'etersbourg. Un 'etonnement douloureux accueillit les premiers num'eros de sa nouvelle revue (Le Fils de la Patrie).

Il devint soumis, flatteur. C''etait triste de voir ce lutteur audacieux, cet ouvrier infatigable, qui avait su traverser les temps les plus difficiles, sans d'eserter son poste, transiger avec ses ennemis, d`es qu'on eut suspendu sa revue. C''etait triste d'entendre le nom de Pol'evo"i accoupl'e aux noms de Gretch et de Boulgarine, triste aussi d'assister `a la repr'esentation de ses pi`eces dramatiques applaudies par les agents secrets et les laquais officiels.

Pol'evo"i sentait sa chute, il en souffrait, il devint abattu. Il voulait m^eme sortir de sa fausse position, se justifier, mais il Q'en avait pas la force et il se compromettait ainsi aupr`es du gouvernement sans rien gagner vis-`a-vis du public. Sa nature plus noble que sa conduite ne pouvait supporter longtemps cette lutte. Il mourut bient^ot, laissant ses affaires dans un d'esarroi complet. Toutes ses concessions ne lui ont rien apport'e.

Il y eut deux continuateurs de l'oeuvre de Pol'evo"i, S'enkofski et B'elinnski.

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