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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Chaque chant d'On'eguine qui paraissait apr`es 1825 'etait de.plus en plus profond. Le premier plan du po`ete avait 'et'e l'eger, serein, il l'avait trac'e dans un autre temps; il avait 'et'e entour'e alors d'un monde qui se plaisait `a ce rire ironique, mais bienveillant, enjou'e. Les premiers chants d'On'eguine nous rappellent beaucoup le comique caustique mais cordial de Gribo"i'edoff. Les larmes et le rire, tout se changea.

Les deux po`etes auxquels nous pensons et qui expriment la nouvelle 'epoque de la po'esie russe, sont Lermontoff et Koltzoff. C''etaient deux voix fortes venant de deux c^ot'es oppos'es.

Rien ne peut d'emontrer avec plus de clart'e le changement op'e-'e dans les esprits, depuis 1825, que la comparaison de Pouchkine et de Lermontoff. Pouchkine, souvent m'econtent et triste, roiss'e et plein d'indignation, est pourtant pr^et `a faire la paix. Il la d'esire, il n'en d'esesp`ere pas; une corde de r'eminiscence des temps de l'empereur Alexandre ne cessait de vibrer dans son coeur.

Lermontoff 'etait tellement habitu'e au d'esespoir, `a l'antagonisme que non seulement il ne cherchait pas `a en sortir, mais qu'il neconcevait la possibilit'e ni d'une lutte, ni d'un accommodement Lermontoff n'a jamais appris `a esp'erer, il ne se d'evouait pas parce qu'il n'y avait rien qui sollicit^at ce d'evo^ument. Il ne portait, pas sa t^ete avec fiert'e au bourreau, comme Pestel et Ryl'eieff parce qu'il ne pouvait croire `a l'efficacit'e du sacrifice; il se jeta, de c^ot'e et p'erit pour rien.

Le coup de pistolet qui avait tu'e Pouchkine r'eveilla l'^ame de Lermontoff. Il 'ecrivit une ode 'energique dans laquelle, fl'etrissant les viles intrigues qui avaient pr'ec'ed'e le duel, intrigues, tram'ees par des ministres litt'erateurs et des journalistes espions, il s''ecria avec une indignation de jeune homme:

«Vengeance, empereur, vengeance!» Le po`ete expia cette seule incons'equence par-un exil au Caucase. Cela se passa en 1837; en 1841, le corps de Lermontoff descendit dans une fosse aux pieds des monts du Caucase.

И то, что ты сказал перед кончиной, Из слушавших тебя не понял ни единый… …Твоих последних слов Глубокое и горькое значенье Потеряно…

«Et ce que tu as dit avant ta fin, personne ne l'a compris de' ceux qui t''ecout`erent. Le sens profond et amer de tes derni`eres paroles est perdu» [11] .

Par bonheur, nous n'avons pas perdu ce que Lermontoff a 'ecrit durant les quatre derni`eres ann'ees de sa vie. Il appartient enti`erement `a notre g'en'eration. Nous tous, nous 'etions trop jeunes pour prendre part au 14 d'ecembre. R'eveill'es par ce grand jour, nous ne v^imes que des ex'ecutions et des bannissements. R'eduits `a un silence forc'e, 'etouffant nos pleurs, nous avons appris `a nous concentrer, `a couver nos pens'ees, et quelles pens'ees? Ce n''etaient plus les id'ees du lib'eralisme civilisateur, les id'ees du progr`es, c''etaient des doutes, des n'egations, des pens'ees de rage. Habitu'e `a ces sentiments, Lermontoff ne pouvait se sauver dans le lyrisme, ainsi que l'avait fait Pouchkine. Il tra^inait le boulet du scepticisme dans toutes ses fantaisies, dans toutes ses jouissances.

11

Vers que Lermontoff a adress'es `a la m'emoire du prince Odo"iefski; mort au Caucase comme soldat, un des condamn'es du 14 d'ecembre.

Une pens'ee m^ale et triste ne quittait jamais son front, elle perce dans toutes ses po'esies. Ce n''etait pas une pens'ee abstraite qui cherchait `a s'orner des fleurs de la po'esie; non, la r'eflexion de Lermontoff c'est sa po'esie, son tourment, sa force [12] .Il avait des sympathies plus profondes pour Byron que n'en a eu Pouchkine. Au malheur d'une trop grande perspicacit'e, il ajoutait un autre, l'audace de dire beaucoup de choses sans fard ni m'enagements. Les ^etres faibles, froiss'es, ne pardonnent jamais cette sinc'erit'e. On parlait de Lermontoff comme d'un enfant g^at'e de maison aristocratique, comme d'un de ces d'esoeuvr'es qui p'erissent dans l'ennui et la sati'et'e. On n'a pas voulu voir combien a lutt'e cet homme, combien il a souffert, avant d'oser exprimer ses pens'ees. Les hommes supportent avec beaucoup plus d'indulgence les injures et la haine qu'une certaine maturit'e de la pens'ee, que l'isolement qui ne veut partager ni leurs esp'erances, ni leurs craintes et qui ose avouer ce divorce. Lorsque Lermontoff quittait P'etersbourg pour se rendre au Caucase exil'e pour la seconde'fois il 'etait bien las, et disait `a ses amis qu'il allait chercher au plus vite la mort. Il a tenu sa parole.

12

Les po'esies de Lermontoff sont parfaitement traduites en allemand Par M. Bodenstedt. Il y a une traduction francaise de son roman le H'eros de nos jours par M. Chopin.

Quel est donc enfin ce monstre qui s'appelle Russie, auquel il faut tant de victimes et qui ne laisse `a ses enfants que la triste alternative de se perdre moralement, dans un milieu antipathique `a tout ce qu'il y a d'humain, ou de mourir au d'ebut de leur vie? Ab^ime sans fond, o`u p'erissent les meilleurs nageurs, o`u les plue grands efforts, les plus grands talents, les plus grandes facult'es s'engloutissent avant d'avoir r'eussi en rien.

Et pourtant comment douter de l'existence des forces en germes," lorsqu'on voit s''elever du plus bas fond de la nation une voix comme celle de Koltzoff?

Pendant un si`ecle, m^eme un si`ecle et demi, le peuple n'a chant'e que les vieilles chansons ou des monstruosit'es fabriqu'ees vers le milieu du r`egne de Catherine II. Il y a bien eu quelques essais d'imitation assez heureux au commencement de notre si`ecle, mais ces Productions artificielles manquaient de v'erit'e; с''etaient des efforts et des caprices. C'est du sein m^eme de la Russie villageoise que partirent les nouvelles chansons. Un bouvier conduisant ses troupeaux `a travers les steppes les composa d'inspiration Koltzoff 'etait compl`etement un enfant du peuple. N'e `a Voron`eje il a 'et'e `a une 'ecole paroissiale avant dix ans, il n'y a appris qu'`a lire et `a 'ecrire sans orthographe. Son p`ere, marchand de b'etail, lui fit embrasser son m'etier. Il conduisait les troupeaux, au travers de centaines de verstes, et prit ainsi l'habitude de la vie nomade, qui se refl`ete dans la meilleure partie de ses chansons. Le jeune bouvier aimait la lecture et relisait continuellement quelque po`ete russe qu'il prenait pour mod`ele, ses essais d'imitation faussaient son instinct po'etique. Son v'eritable talent perca enfin, il fit des chansons populaires en petit nombre, mais qui sont autant de chefs-d'oeuvre. Ce sont bien l`a les chansons du peuple russe. On y retrouve cette m'elancolie qui en fait le trait caract'eristique, cette tristesse navrante, ce d'ebordement de la vie (oudale molod^etzkaia). Koltzoff a montr'e combien il y a de po'esie cach'ee dans l'^ame du peuple russe, et qu'apr`es un long et profond sommeil, il y avait quelque chose qui s'agitait dans sa poitrine. Nous avons d'autres exemples de po`etes, d'hommes d'Etat, d'artistes qui sont sortis du peuple, mais ils en sont sortis dans le sens litt'eral du mot, en brisant tout lien commun avec lui. Lomonossoff a 'et'e le fils d'un p^echeur de la Mer Blanche. Il prit la fuite de la maison paternelle pour s'instruire, entra dans une 'ecole eccl'esiastique et se rendit ensuiteen Allemagne o`u il cessa d'^etre du peuple. Il n'y a rien de commun entre lui et la Russie agricole, si ce n'est le lien qui unit les individus de la m^eme race. Koltzoff resta au milieu des troupeaux et des affaires de son p`ere qui le d'etestait et qui, second'e de ses autres parents, lui rendit la vie si dure, qu'il en mourut en 1842. Koltzoff et Lermontoff ont d'ebut'e et sont morts vers la m^eme 'epoque. Apr`es eux, la po'esie russe devint muette.

Mais en prose l'activit'e redoubla et prit une autre direction.

Gogol, sans ^etre du peuple comme Koltzoff, par sa condition, l'est par ses go^uts et par la tournure de son esprit. Gogol est compl`etement ind'ependant de l'influence 'etrang`ere; il ne connaissait aucune litt'erature, lorsqu'il s''etait d'ej`a fait un nom. H sympathisait plut^ot avec la vie du peuple qu'avec celle de la cour, ce qui est naturel de la part d'un Petit-Russien.

Le Petit-Russien, m^eme anobli, ne rompt jamais aussi brusquement avec le peuple que le fait un Russe. Il aime son pays, son idiome, les traditions de la cosaquerie et des hetmans. L'ind'ependance de l'Ukraine, sauvage et guerri`ere, mais r'epublicaine et d'emocratique, s''etait maintenue `a travers les si`ecles jusqu'`a Pierre Ier. Les Petits-Russiens tracass'es par les Polonais, les Turcs et les Moscovites, entra^in'es dans une guerre 'eternelle contre les Tartares de la Crim'ee, n'ont jamais succomb'e. La Petite-Russie, ens'unissant volontairement `a la Grande, stipula des droits consid'erables en sa faveur. Le tzar Alexis jura de les observer. Pierre Ier, pr'etextant la trahison de Mazeppa, ne laissa debout qu'un simulacre de ces privil`eges; Elisabeth et Catherine y introduisirent le servage. Le pauvre pays protestait, mais comment pouvait-il s'opposer `a cette avalanche fatale qui roulait du Nord jusqu'`a la Mer Noire, et couvrait tout ce qui portait le nom russe du m^eme linceul d'un esclavage uniforme et glac'e? L'Ukraine subit le sort de Novgorod, de Pskov, mais beaucoup plus tard, et un seul si`ecle de servitude n'a pu effacer tout ce qu'il y avait d'ind'ependant et de po'etique dans ce brave peuple. Il y a l`a plus de d'eveloppement individuel, plus de teinte locale que chez nous; chez nous, un malheureux uniforme couvre indistinctement toute la vie populaire. Les hommes naissent pour se courber devant une fatalit'e injuste, et meurent sans traees, laissant leurs enfants recommencer la m^eme vie d'esesp'erante. Notre peuple ne conna^it pas son histoire, tandis que chaque village en Petite-Russie a sa 1’'egende. Le peuple russe ne se souvient que de Pougatcheff et de 1812. Les nouvelles par lesquelles d'ebuta Gogol forment une s'erie de' tableaux de moeurs et de paysages de la Petite-Russie d'une beaut'e r'eelle, pleine de ga^it'e, de gr^ace, de mouvement et d'amour. Des nouvelles pareilles sont impossibles dans la Grande-Russie, faute de sujet, d'original. Chez nous, les sc`enes populaires prennent de suite une face sombre et tragique qui oppresse le lecteur; Je dis tragique, seulement dans le sens de Laocoon. C'est le tragique d'un destin auquel l'homme succombe sans lutte. La douleur se change en rage et en d'esolation, le rire en ironie am`ere et haineuse. Qui peut lire sans fr'emir d'indignation et de honte le roman magnifique Anton Gor'emyka,et le chef-d'oeuvre de J. Tourgu'eneff R'ecits du Chasseur?

A mesure que Gogol sort de la Petite-Russie et s'approche de la Russie centrale, les images na"ives et gracieuses disparaissent. Plus de h'eros demi-sauvage dans le genre de Tarass Boulba [13] plus de vieillard d'ebonnaire et patriarcal qu'il a si bien d'epeint dans les Gens d'autrefois. Sous le ciel moscovite, tout en lui devient sombre, brumeux, hostile. Il rit toujours, il rit m^eme plus qu'auparavant, mais c'est d'un autre rire, et il n'y a que les gens d'une grande duret'e de coeur ou. d'une grande simplicit'e d'^ame qui se soient laiss'es prendre `a ce rire. Passant de ses Petits-Russiens et Cosaques aux Russes, Gogol laisse de c^ot'e le peuple, et s'arr^ete `a ses deux ennemis les plus acharn'es: le fonctionnaire et le seigneur. Jamais personne n'a fait avant lui, sur le tchinovnik russe, un cours si complet d'anatomie pathologique. Le rire sur les l`evres, il p'en`etre sans m'enagement dans les replis les plus cach'es de cette ^ame impure et maligne. La com'edie de Gogol le R'eviseur, son roman les Ames Mortes, sont une terrible confession de la Russie contemporaine et qui font pendant aux r'ev'elations de Kochikhine au XVIIe si`ecle [14] .

13

Tarass Boulba, les Gens d'autrefois et encore quelques nouvellesde Gogol sont traduites en francais par M. Viardot. Il y a une traductionallemande des Ames Mortes.

14

Un diplomate russe du temps d'Alexis, p`ere de Pierre I, qui avait'emigr'e en Su`ede craignant les pers'ecutions du tzar et qui a 'et'e d'ecapit'e`a Stockholm pour un assassinat.

L'empereur Nicolas se p^amait de rire en assistant aux repr'esentations du R'eviseur!!!

Le po`ete, d'esesp'er'e de n'avoir produit que cette auguste hilarit'e et le rire suffisant des employ'es, parfaitement identiques avec ceux qu'il a repr'esent'es, quoique plus prot'eg'es par la censure, crut devoir expliquer, dans une introduction, que sa com'edie est non seulement tr`es risible mais encore tr`es triste –

«qu'il y a des larmes chaudes derri`ere son sourire».

Apr`es le R'eviseur, Gogol se tourna vers la noblesse campagnarde, et mit au grand jour cette population inconnue qui se tient derri`ere les coulisses, loin des chemins et des grandes villes, enfouie au fond des campagnes, cette Russie de gentill^atr`es, qui, sans bruit, tout au soin de leurs terres, couvent une corruption plus profonde que celle de l'Occident. Nous les v^imes, enfin, gr^ace `a Gogol, quitter leurs manoirs, leurs maisons seigneuriales, et d'efiler devant nous sans masque, sans fard, toujours ivres et voraces, esclaves du pouvoir sans dignit'e, et tyrans de leurs serfs sans compassion; sucant la vie et le sang du peuple avec le naturel et la na"ivet'e de l'enfant qui se nourrit du sein de sa m`ere.

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