Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
Шрифт:
La chemin'ee de la chambre 'etait encombr'ee de bibelots, de souvenirs ; et au-dessus du lit, 'etait un portrait, une petite photographie, que Juve cherchait `a voir, bien qu’il en f^ut tr`es 'eloign'e, mais c’est `a peine s’il parvenait `a se rendre compte, au bout de quelques secondes d’un examen attentif, qu’il s’agissait l`a de la photographie d’un tr`es jeune enfant.
Juve n’avait pas cru devoir se nommer `a M me Verdon.
Il prit l’attitude h'esitante et lourde d’un vague employ'e d’un commissariat de province.
— Voil`a, fit-il, donnant `a sa conversation la tournure de l’emploi, je viens comme ca, Madame Verdon, de la part de mon chef le commissaire, vous demander si vous n’avez pas des renseignements `a me communiquer sur le nomm'e Daniel ?
M me Verdon leva les mains au ciel :
— Mon Dieu, monsieur, fit-elle, on a bien tort de m’interroger sans cesse sur le cas de ce malheureux garcon : je ne saurais, en aucune facon, vous renseigner… Assur'ement, vous le connaissez mieux que moi, puisque M. Daniel s’occupait de choses de police. J’ai dit tout ce que je savais, lors des premi`eres enqu^etes. M. Daniel me faisait l’effet d’un gentil garcon, il avait besoin de gagner sa vie. Il m’a demand'e de l’aider `a faire un voyage en Hollande qu’il m'editait et je l’y ai aid'e, voil`a tout…
Juve 'ecoutait distraitement ce que disait M me Verdon.
En r'ealit'e, il 'ecoutait surtout cette voix, cette voix harmonieuse, agr'eable, qui faisait croire `a Juve, lorsqu’il fermait les yeux, que c’'etait quelqu’un d’autre qui parlait, quelqu’un connu de lui, mais qui ? Juve ne pouvait parvenir `a le savoir.
Il y eut cependant un silence, pendant lequel le policier se rem'emora ce que M me Verdon venait de lui dire.
Puis, pos'ement, la fixant dans les yeux, Juve articula :
— Ce ne sont pas l`a les renseignements, madame, que vous avez fournis, lorsque, par commission rogatoire, M. Juve, l’inspecteur de police, vous a fait questionner ?
M me Verdon p^alissait l'eg`erement.
Et Juve p^alissait `a son tour.
Pr'ec'edemment, le timbre de la voix de M me Verdon l’avait frapp'e ; d'esormais c’'etait sa physionomie, ses traits, qui, peu `a peu, se r'ev'elaient `a l’inspecteur de police.
Apr`es avoir eu une impression de d'ej`a entendu par la voix de M me Verdon, Juve allait-il avoir une impression de d'ej`a vu en consid'erant le visage de la vieille dame ?
Non, certes, il 'etait bien certain que le policier ne la connaissait pas, et cependant, il y avait quelque chose d’extraordinaire dans les traits de cette personne. Juve sentait son coeur battre, il 'etait haletant, il ne savait plus que dire, et, cependant que M me Verdon l’interrogeait `a son tour, il reprit :
— Vous n’avez pas dit, madame, pour le policier Juve, ce que vous me dites actuellement ?
La myst'erieuse personne avec laquelle Juve s’entretenait r'etorquait alors nettement :
— Eh bien, monsieur, j’aime autant vous l’avouer. Lorsque M. Juve daignera venir me questionner, je lui dirai bien des choses qui le surprendront et qui lui rendront m^eme service !
M me Verdon s’exprimait sur le ton de la conversation ordinaire, mais son apparence d'ementait le ton de ses propos.
En r'ealit'e, elle avait l’air fort troubl'ee.
Si troubl'ee m^eme, qu’`a un moment donn'e, Juve, qui 'etait fort 'etonn'e par ces paroles eut l’id'ee de lui d'eclarer :
— Madame, inutile d’attendre plus longtemps la visite de M. Juve, c’est lui qui se trouve devant vous.
Le policier savait par exp'erience que parfois, en brusquant les choses, on r'eussit un peu mieux `a avoir des renseignements, voire m^eme des aveux, qui ne se produiraient pas dans d’autres circonstances, notamment si la personne interrog'ee avait le temps de se ressaisir.
Juve, pourtant, avait bien l’impression que si cette femme en face de laquelle il se trouvait avait quelque chose de myst'erieux dans son existence, ce n’'etait certainement pas une criminelle coupable.
D’instinct, Juve devinait qu’il s’agissait plut^ot l`a d’une malheureuse et d’une mis'erable.
Pourquoi tous ces raisonnements lui venaient-ils `a l’esprit ?
Pourquoi Juve se demandait-il si M me Verdon 'etait une coupable ou une victime ?
Et pourquoi n’admettait-il pas tout simplement qu’elle n’'etait ni l’une ni l’autre, se contentant de vivre sa vie de vieille dame, bourgeoise et c'elibataire, retir'ee dans sa petite propri'et'e `a la campagne ?
Juve, cependant, ne pouvait admettre que tel fut le cas de M me Verdon.
— Madame, commenca-t-il, puisque vous d'esirez voir l’inspecteur Juve, je vais imm'ediatement…
Mais il 'etait soudain interrompu par son interlocutrice elle-m^eme.
M me Verdon qui, jusqu’alors 'etait rest'ee `a demi 'etendue sur sa chaise longue, se souleva, dans un geste brusque et spontan'e.
Elle venait de pr^eter l’oreille ; Juve fit comme elle. On entendit au lointain le roulement sourd d’une voiture et le trot sec des chevaux dont les colliers portaient des grelots.
M me Verdon devint toute p^ale.
— Je vous en prie, monsieur, fit-elle, cessons pour le moment notre entretien. Quelqu’un que j’attends arrive, il sera ici dans ma chambre avant cinq minutes. Je suis toute pr^ete `a dire ce qu’il vous plaira `a M. Juve, mais pas en ce moment, pas en pr'esence de la personne qui vient. Voulez-vous me promettre que vous allez vous retirer imm'ediatement ? Je vous en serai infiniment reconnaissante !
Juve fronca le sourcil.