Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Le corps expos'e `a la morgue est un corps vivant… Le cadavre, c’est Fandor, aussi bien portant que le Pont-Neuf…
Fant^omas s’imaginait qu’il y avait l`a une supercherie faite de connivence avec Juve, et, tout vibrant de col`ere, le bandit 'etait aussit^ot parti par le premier train pour Paris.
Il d'ebarquait `a la gare de Lyon `a la premi`ere heure, et, d`es lors, voulant `a toute force s’introduire dans le frigorifique, il imaginait, avec beaucoup d’audace, de se faire passer pour un ouvrier charg'e de r'eparer l’installation de l’appareil `a entretenir le froid.
Certes, Fant^omas avait tout d’abord 'et'e fort troubl'e de reconna^itre Bouzille en gardien de la morgue.
Mais cette rencontre l’avait fortifi'e dans sa conviction qu’il n’allait pas tarder `a d'ecouvrir Fandor.
Et le bandit, en effet, avait reconnu le journaliste d`es qu’il voyait les trois corps 'etendus sur leur chariot respectif face au public.
Mais si Fant^omas avait reconnu Fandor, ce qui n’'etait pas bien difficile, le journaliste, au premier coup d’oeil, d'emasquait le bandit et, d`es lors, les deux adversaires commencaient `a coups de revolver un duel terrible et sans merci que Fant^omas interrompait h^ativement, en prenant la fuite.
Fandor s’'etait 'elanc'e `a sa poursuite.
— Ah ! cette fois, se jurait le journaliste au paroxysme de la col`ere, j’aurai sa peau ! Je le tuerai !
Et il tirait encore deux coups de revolver qui, malheureusement, n’atteignaient pas le fuyard.
En l’espace d’une seconde, trouant la foule, Fant^omas, poursuivi par Fandor, s’'etait trouv'e dans la rue. Mais le bandit, au lieu de s’enfuir en courant, faisait soudain volte-face, et s’arr^etait net le long du mur de la morgue, tandis que Fandor le croyant parti au loin, continuait sa course.
Fant^omas le voyait passer `a c^ot'e de lui ; il esquissait un sourire sarcastique et, d’un geste brusque, profitant de ce qu’on ne le regardait point, Fant^omas arrachait le bandeau qu’il avait sur l’oeil et la barbe postiche qu’il portait au menton. D`es lors, on ne pouvait reconna^itre en lui l’ouvrier du frigorifique.
Une poursuite, toutefois, s’organisait.
Apr`es le premier instant de stupeur, les quelques personnes qui avaient assist'e `a la sc`ene rapide qui s’'etait d'eroul'ee dans la morgue s’'elancaient sur les traces de l’homme qui fuyait.
— Un mort qui se sauve ! avaient-ils cri'e.
La phrase se r'ep'etait comme un 'echo, et les passants de la rue se joignaient au premier t'emoin.
Qui poursuivait-on cependant ?
Fant^omas, en s’arr^etant net dans sa course, avait devin'e, pr'evu l’erreur que la foule ne manquerait pas de commettre.
Celle-ci, en effet, s’'elancait sur les traces du journaliste, et certes, celui-ci 'etait bien plus reconnaissable que Fant^omas, bien plus facile `a prendre puisqu’il courait dans la rue comme un fou, le revolver au poing, uniquement v^etu d’un calecon et d’une chemise, mais chauss'e, heureusement pour lui.
Fandor qui, somme toute, se trouvait brusquement et `a l’improviste au milieu de la rue, se souvint de son accoutrement.
Et, d`es lors, il comprit la faute qu’il avait commise en s’'elancant `a la poursuite de Fant^omas.
Non seulement Fandor venait de perdre la trace du bandit, mais encore il se rendait compte aux hurlements et aux vocif'erations qui retentissaient `a ses trousses, que c’'etait lui, d'esormais, que la foule poursuivait, et le journaliste commencait `a avoir peur, sachant fort bien que les foules sont faites d’imb'eciles et se rendant parfaitement compte que s’il 'etait pris, appr'ehend'e, un mauvais coup pourrait rapidement lui ^etre donn'e.
— D’autant plus, se disait Fandor, que certainement, parmi cette foule, doit se trouver Fant^omas !
Le journaliste parvenait en quelques secondes `a distancer ses poursuivants. Un fiacre en maraude passait `a proximit'e, Fandor ouvrit la porti`ere, sauta `a l’int'erieur du v'ehicule, puis sortit par la porti`ere oppos'ee ; mais il se trouvait encore en face de gens qui voyant surgir un homme en calecon d’une voiture, poussaient d’abord des cris de surprise, levaient les bras au ciel, puis s’'elancaient derri`ere lui.
Fandor enjamba la grille d’un petit square et s’enfonca la t^ete en avant dans les petits bouquets d’arbres ; il se d'echirait aux 'epines, il se meurtrissait au contact des pointes ac'er'ees des branches des arbrisseaux. Mais il avancait quand m^eme, brisant les branches sur son passage…
Fandor sentait qu’on le poursuivait toujours… Toutefois, cette travers'ee du square lui permettait de gagner quelque distance sur ses poursuivants.
Soudain, il se heurta `a une muraille.
— Bougre de bougre ! pensa Fandor. Cette fois, je suis foutu !
Et il se disposait `a s’accoter `a ce mur pour faire face `a ses assaillants ; il allait leur crier :
`A ce m^eme instant, il venait d’apercevoir une petite porte basse, taill'ee dans la muraille, dont le battant 'etait entreb^aill'e.
Se pr'ecipiter sur cette porte, p'en'etrer dans le lieu qu’elle commandait, la refermer de l’int'erieur par un verrou, ce fut pour Fandor l’affaire d’un instant…
Il suivit, courant `a toute allure, un petit couloir tr`es obscur, et soudain se trouva dans une salle `a peine 'eclair'ee, dans laquelle r'egnait une suave odeur de parfums et d’encens.
Au milieu de cette salle se trouvait une grande table en bois verni et, tout autour, des armoires dont les portes coulissaient les unes sur les autres. `A l’int'erieur de ces armoires se trouvaient des v^etements dont Fandor ne reconnaissait pas au premier abord la destination.
Mais, soudain, la lumi`ere se fit dans son esprit.