Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
Шрифт:
Ces atermoiements, ces h'esitations, tous ces myst`eres, commencaient `a l’agacer singuli`erement et, pour un peu, le policier se serait fait conna^itre en deux mots, aurait attendu l’arriv'ee, de la personne annonc'ee par M me Verdon et il l’aurait brusquement interrog'ee aussi. Mais Juve savait par exp'erience que, si dans certains cas la brusquerie peut ^etre utile, dans d’autres il est pr'ef'erable de proc'eder avec lenteur et d'elicatesse.
Au surplus, Juve se sentait sur un terrain dangereux, et ne voulait s’avancer qu’avec pr'ecautions.
— Soit, madame, d'eclara-t-il, je me retire !
M me Verdon le conduisait jusqu’`a un petit escalier de service, dont l’acc`es 'etait dissimul'e dans un couloir `a c^ot'e de la salle de bain.
Juve commenca `a descendre, lorsqu’il s’arr^eta :
— Un mot, madame, un mot seulement.
— Parlez, monsieur ? fit M me Verdon, qui dissimulait `a grand’peine son impatience anxieuse.
— Le nom de la personne que vous attendez ? demanda Juve.
La myst'erieuse vieille dame se prit `a sourire.
— Le professeur Marcus, monsieur, dit-elle, mon nouveau locataire. C’est un savant, un g'eologue, vous comprendrez ais'ement que je ne veux point qu’il soupconne les affreuses histoires auxquelles je suis involontairement m^el'ee pour le moment.
Juve n’insistait pas ; il descendit le petit escalier qui le conduisait au rez-de-chauss'ee de la maison, et cela au moment pr'ecis o`u, devant la porte principale, `a la grille du jardin, s’arr^etait la voiture `a deux chevaux dont on avait entendu le roulement quelques instants auparavant.
Un homme en descendait, sautant `a terre avec une l'eg`eret'e qui aurait pu para^itre extraordinaire `a quiconque l’aurait observ'e, `a quiconque surtout se serait rendu compte de son ^age.
Le personnage, en effet, le professeur Marcus, pouvait avoir d'epass'e soixante ou soixante-dix ans, tant 'etait longue et blanche sa barbe, tant 'etait vo^ut'e son dos.
Il semblait que le professeur Marcus quittait cette attitude de jeune homme leste et robuste sit^ot descendu de voiture.
D`es lors, marchant `a petits pas, il gagnait le vestibule en familier de la maison, sans se faire annoncer par les domestiques, il montait au premier 'etage, traversait le salon.
Puis, lentement, il gagnait la chambre o`u, quelques instants auparavant, Juve s’'etait trouv'e en t^ete `a t^ete avec M me Verdon.
Celle-ci, pr'ecis'ement, venait de rentrer dans la pi`ece, elle avait tir'e derri`ere elle le verrou qui permettait de communiquer avec le petit escalier par lequel elle avait fait dispara^itre Juve, sans se douter de l’identit'e du personnage qu’elle conduisait.
Et, d`es lors, s’avancant avec un sourire aimable, elle tendit la main au professeur Marcus, celui-ci y d'eposa un tendre et respectueux baiser.
— Ca, par exemple, c’est extraordinaire ! Mais c’est excellent aussi !
Dans une petite baraque sur les bords de l’Is`ere, `a cent m`etres environ de la propri'et'e de M me Verdon, un homme venait de s’introduire par le plus grand des hasards.
Cet homme, c’'etait Juve.
Le policier, au sortir de la demeure, avait 'et'e appr'ehend'e par un domestique qui le menait poliment, mais rapidement jusqu’`a la grille du jardin.
Celui-ci 'etait entour'e de haies 'epaisses et fournies, derri`ere lesquelles on pouvait se dissimuler ais'ement.
Juve s’'etait dit :
— En somme, cette excellente dame me fourre `a la porte, et, sous pr'etexte de ne rien vouloir dire qu’`a Juve, elle en profite pour refuser de renseigner la police. Oh ! oh ! tout ceci est assez myst'erieux. Puisque j’ai commenc'e `a employer la mani`ere douce, continuons `a proc'eder de m^eme ; ne nous faisons conna^itre que le plus tard possible !
» Tout d’abord, 'etudions les dispositions de la place qu’il s’agit d’assi'eger.
Juve, alors longeant l’'epaisse haie qui bordait le jardin, parvenait par un 'etroit sentier jusqu’au bord de l’Is`ere.
Il apercevait, 'emergeant de la berge, la toiture noire et pointue d’une petite cabane, haute d’un m`etre cinquante environ, qui devait recouvrir 'evidemment quelque vanne ou quelque prise d’eau.
Assur'ement, c’'etait l`a une disposition bien ordinaire, comme il s’en trouve souvent sur le bord des rivi`eres, et le policier n’y aurait pas pr^et'e la moindre attention, si un incident fortuit n’'etait venu l’y obliger.
Juve, en effet, qui s’avancait `a une assez vive allure sur la rive toute gazonn'ee, 'etait victime d’un accident absolument ridicule.
Alors qu’il 'etait `a proximit'e de cette petite cabane, son pied glissait sur une planche vermoulue, et celle-ci, plac'ee en 'equilibre, basculait soudain.
Juve alors 'etait projet'e en avant, et pr'ecipit'e pr'ecis'ement sur la toiture de la petite baraque noire qu’il venait d’apercevoir.
Or, le policier passait au travers. Au lieu d’^etre fait de planches, ce toit 'etait en carton bitum'e ; le policier tomba dans un trou, et, quelques instants, demeura priv'e de sentiment, suffoqu'e, haletant.
Puis il revenait `a lui, et instinctivement, mettait la main `a la crosse de son revolver.
Juve avait quelque courbature ; il aurait pu se briser le cr^ane sur les pierres plates qui constituaient le fond de la petite baraque, mais il avait 'evit'e une mort stupide, gr^ace `a la toiture `a travers laquelle il avait pass'e, et qui, en le retenant, avait singuli`erement att'enu'e la brusquerie de sa chute.
Juve, d'esormais, se rendait compte qu’il 'etait `a l’int'erieur d’une sorte de petite prise d’eau couverte par un toit.