Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— C’est chez Gauvin que je l’attendrai et que nous nous retrouverons !
Il 'etait environ cinq heures du soir, lorsque le policier prenait cette d'ecision `a l’entr'ee du village de Dom`ene ; `a six heures trente-cinq il p'en'etrait dans l’'etude de Gauvin.
`A la grande surprise de Juve, les bureaux qui 'etaient vides semblaient abandonn'es. On avait l’impression que quelque chose de subit et d’anormal s’'etait produit qui avait d'etermin'e le d'epart des clercs, m^eme celui du patron.
Certes, Juve, pour parvenir jusqu’`a l’'etude, n’avait pas cherch'e `a se faire remarquer, bien au contraire. En fait, il n’'etait pas entr'e par la porte donnant sur la rue, qui peut-^etre 'etait ferm'ee, vraisemblablement m^eme l’'etait : il avait p'en'etr'e par une fen^etre du rez-de-chauss'ee donnant sur un jardinet.
— Apr`es tout, se dit Juve qui tenait `a se rassurer, les gens sont honn^etes `a Grenoble, et peut-^etre les employ'es ont-ils quitt'e l’'etude simplement parce que c’'etait pour eux l’heure de s’en aller, et sans 'eprouver le d'esir, la n'ecessit'e de ranger un peu plus soigneusement leurs papiers.
Mais tout `a coup, Juve bl^emit.
— Mon Dieu, songea-t-il, pourvu que Fant^omas ne m’ait point pr'ec'ed'e et que ce d'esordre ne soit pas le r'esultat du passage du bandit !
Cette id'ee 'etait `a peine esquiss'ee dans le cerveau de Juve, qu’elle y germait ais'ement, se d'eveloppait.
Le policier grincait des dents ;
— Mais oui, parbleu ! C’est 'evident ! Fant^omas est d'ej`a venu… Fant^omas, de gr'e ou de force, a contraint Gauvin `a lui livrer l’enveloppe cachet'ee contenant la fortune de M me Rambert… Les clercs se sont enfuis 'epouvant'es.
Et Juve, avec une stup'efaction croissante, un d'esespoir sans cesse augmentant, consid'erait, les yeux arrondis, terrifi'es, le cabinet de M e Gauvin dans lequel r'egnait en effet un extr^eme d'esordre.
Les placards 'etaient ouverts ; des dossiers s’'echappaient d’une armoire mal ferm'ee ; les tiroirs du bureau ministre occupant le milieu de la pi`ece 'etaient entreb^aill'es, et il y avait enfin, dans un angle du cabinet, une immense malle qui semblait l`a attendre qu’on vienne la remplir de papiers ou de v^etements, en pr'evision d’un long voyage.
Juve, dont le d'esespoir n’att'enuait pas les instincts de curiosit'e, regardait de tous c^ot'es, puis, fi'evreusement, il se mit `a fouiller les papiers 'epars autour de lui.
Il jetait `a bas d’un rayon toute une liasse de dossiers, furieux de ne point trouver le document qui l’int'eressait.
Il vida toute une armoire sans meilleur r'esultat, mais soudain il poussa un cri de triomphe et s’agenouilla devant un tiroir du bureau de Gauvin.
De ce tiroir, en effet, 'emergeait une grande enveloppe jaune, toute orn'ee de cachet. Or, sur cette enveloppe, il y avait 'ecrit : D'ep^ot de M me Verdon.
Sans le moindre scrupule, le policier brisait les cachets, d'echirait l’enveloppe ; il poussa un hurlement de joie.
`A l’int'erieur, se trouvaient des papiers multicolores que le policier reconnaissait fort bien pour ^etre les titres d'epos'es par M me Verdon.
— D`es lors, s’'ecriait Juve, Fant^omas n’est pas encore pass'e par ici ! Fant^omas n’est pas venu ! Il va donc venir, je n’ai plus qu’`a l’attendre…
Juve, d’un geste calme, d'ecid'e, vidait jusqu’au bout l’enveloppe et il en fourrait le contenu dans sa poche.
— Maintenant, articula-t-il, Fant^omas sera oblig'e de me tuer s’il veut prendre la fortune qui appartient `a la m`ere de Fandor !
Le policier s’arr^etait net ; il pr^eta l’oreille.
Un l'eger bruit se percevait au-dehors. On entendait des pas frapper sur le sable, dans le jardinet voisin.
— C’est lui ! pensa Juve, `a nous deux !
Le policier se demandait d’abord s’il fallait demeurer dans la pi`ece et attendre de pied ferme l’arriv'ee du bandit.
— Non, se dit-il ensuite, je veux savoir exactement les intentions de Fant^omas. Et puis, `a vrai dire, je peux bien me payer le luxe de jouir de sa d'econvenue !
Juve venait d’aviser la fameuse malle qu’il avait remarqu'ee quelques instants auparavant et qui 'etait bien suffisamment grande pour que l’on p^ut y dissimuler quelqu’un.
Sur le premier rayon de cette malle, le policier entassait des dossiers, puis il se mettait `a l’int'erieur, ayant bien soin de d'erober la clef, afin que l’on ne puisse pas l’enfermer dans cette prison d’osier dont il se faisait provisoirement le b'en'evole prisonnier.
Juve avait 'eteint l’'electricit'e dans la pi`ece d`es lors plong'ee dans l’obscurit'e, et il attendit..
Le bruit qu’il avait percu pr'ec'edemment se pr'ecisait plus net, plus fort.
La porte du cabinet par laquelle Juve pr'ec'edemment 'etait entr'e grinca lentement sur ses gonds ; puis, quelqu’un tourna le commutateur et le cabinet du notaire s’illumina.
Juve, par les interstices de la malle d’osier dans laquelle il se cachait, avait apercu le nouvel arrivant, et, malgr'e lui, il ne put r'eprimer un mouvement de d'epit.
— Ce n’est que lui !… fit-il.
Et, en prononcant ces paroles, lui signifiait pour Juve n’importe qui, except'e Fant^omas ! En fait, c’'etait le notaire lui-m^eme qui rentrait dans son cabinet, c’'etait Gauvin…
Le jeune homme ne paraissait pas autrement 'etonn'e du d'esordre qui r'egnait dans son bureau.
Juve l’observa.
Gauvin avait l’air soucieux, pr'eoccup'e, farouche.
— Sa t^ete ne me revient pas ! pensa Juve.
Le policier, en effet, se m'efiait du jeune notaire, auquel il avait trouv'e, `a maintes reprises, des attitudes bien bizarres.