Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Ah ca ! prof'era-t-il, comment se fait-il que vous portiez ce costume d’'eglise ?
— Ca, d'eclara Fandor, c’est toute une histoire. Mais vous avez l’air boulevers'e, mon ami Gauvin. Que vous est-il donc arriv'e, et pourquoi donc cherchez-vous Juve ?
— Pour arr^eter un malfaiteur. Je viens d’^etre vol'e !
— De combien ? demanda Fandor.
— Un million, deux peut-^etre…
— Bougre ! fit le journaliste, et l’auteur de ce vol, c’est ?…
— Je n’en sais rien, fit Gauvin, mais quelqu’un d’audacieux, `a coup s^ur !
Fandor d'esignait un si`ege au notaire, lui-m^eme s’installait dans un fauteuil.
— Racontez-moi ca, fit-il. En attendant Juve, nous avons le temps de bavarder.
Comment Fandor se trouvait-il `a Grenoble ?
Et comment portait-il encore le costume qu’il avait d'erob'e dans le vestiaire de Notre-Dame ?
La chose 'etait facile `a comprendre, pour quiconque aurait 'et'e au courant des incidents qui 'etaient survenus au cours de la fuite de Fandor hors de la morgue, fuite qui d’ailleurs avait commenc'e par la poursuite de Fant^omas.
Le journaliste avait estim'e, une fois 'echapp'e `a la foule qui voulait l’'echarper sans conna^itre son identit'e, que le plus important pour lui, c’'etait de partir aussit^ot pour Grenoble, et d’y retrouver le policier afin d’avoir une explication avec lui et de tirer au clair les nombreux quiproquos qui s’amoncelaient autour de lui.
Fandor, en sautant dans un taxi-auto, avait donn'e pour adresse au m'ecanicien la gare de Lyon.
Il avait eu la chance de trouver, dans la poche du manteau de pr^etre dont il s’'etait rev^etu, une bourse contenant cent cinquante francs, et remettant `a plus tard le soin de rembourser l’inconnu qu’il l'esait involontairement, Fandor avait pris un billet pour Grenoble o`u il arrivait le lendemain soir seulement, s’'etant endormi deux fois dans ses trains et ayant deux fois manqu'e la correspondance n'ecessaire !
Or, voici qu’il avait fini par parvenir au Modem H^otel, o`u il apprenait que Juve 'etait descendu.
Fandor, toutefois, tenait `a se d'ebarrasser des v^etements qu’il portait ind^ument.
Et c’est pour cela qu’il avait essay'e de corrompre Sulpice et de persuader ce garcon d’h^otel d’aller lui acheter, chez le premier marchand venu, des v^etements masculins.
C’'etait alors qu’il avait eu ce d'ebat bizarre avec le domestique, lequel, apr`es avoir 'et'e terrifi'e `a l’id'ee qu’il 'etait peut-^etre en pr'esence d’un malfaiteur, s’'etait enthousiasm'e ensuite, en apprenant qu’il 'etait en face de J'er^ome Fandor et son enthousiasme avait 'et'e si grand, qu’il s’en 'etait all'e chercher Juve par toute la ville, emportant les cinquante francs que Fandor lui avait donn'es, c’est-`a-dire tout ce que le journaliste poss'edait sur lui.
Fandor jugeait inutile de faire le r'ecit de ses aventures au notaire Gauvin. Il 'etait bien plus int'eress'e par les propos que lui tenait ce dernier.
Gauvin en effet, s’il taisait scrupuleusement `a Fandor son intention de fuir avec l’argent de ses clients, narrait en d'etail l’aventure extraordinaire et myst'erieuse dont il venait d’^etre la victime.
— Je venais de rentrer dans mon cabinet, monsieur Fandor, et comme je suis un homme d’ordre – il en faut beaucoup dans ma profession – je venais d’ouvrir un des tiroirs de mon bureau dans lequel j’avais d'epos'e une grande enveloppe contenant les titres de rente de ma cliente M me Verdon. Or, non seulement, je m’apercevais alors que cette enveloppe 'etait d'echir'ee, que son contenu avait disparu, mais encore j’entendais dans mon cabinet des bruits suspects, qui me faisaient comprendre que le voleur n’'etait certainement pas loin…
— Alors ? interrogea Fandor. Qu’avez-vous fait ? Je suppose que vous avez cherch'e partout, fouill'e vos tentures, fouill'e vos armoires afin de mettre la main sur le coupable…
Gauvin baissa les yeux, rougi jusqu’aux oreilles.
— Ma foi non, monsieur Fandor, je n’ai pas os'e… Je me suis enfui…
— Eh bien ! ne put s’emp^echer de constater Fandor, vous n’^etes pas la moiti'e d’un capon vous ! Enfin, ca vous regarde… Il y a combien de temps que cette histoire-l`a s’est pass'ee ?
Gauvin consulta sa montre :
— Une demi-heure `a peu pr`es, trente-cinq minutes au plus…
— Alors, articula Fandor, je suppose que votre voleur doit ^etre loin d'esormais !
— Je ne le crois pas, r'etorqua Gauvin. En m’en allant, j’ai ferm'e la porte `a clef.
— Mais il restait la fen^etre ! fit Fandor.
Cette observation parut stup'efier Gauvin. Il 'ecarta les bras d’un air de r'esignation d'esesp'er'ee.
— Ca, c’est vrai, fit-il, je n’y avais pas pens'e !
Le journaliste le regardait du coin de l’oeil.
— Dr^ole de mentalit'e ! se dit-il. Voil`a un gaillard qui, non seulement se sauve lorsqu’il entend du bruit chez lui, mais qui ne pense m^eme pas `a surveiller les abords de son domicile, alors qu’il sait que le voleur dont il vient d’^etre victime ne doit pas encore en ^etre sorti ! On dirait qu’il est satisfait d’avoir 'et'e vol'e !…
Fandor ne croyait pas raisonner si juste.
En r'ealit'e, Gauvin aurait mieux aim'e faire le vol lui-m^eme, mais du moment qu’il n’avait pas pu le r'eussir, il se consolait avec le vieux proverbe :
Gauvin se disait en effet que, du moment qu’il 'etait vol'e, il allait pouvoir tirer parti de cette f^acheuse aventure pour s’innocenter aux yeux de ses clients de la mauvaise facon, `a la fois maladroite et frauduleuse, dont il d'efendait leurs int'er^ets.
De m^eme que les incendies sont parfois une bonne solution pour les gens qui font de mauvaises affaires, de m^eme ce vol venait `a point nomm'e pour permettre `a Gauvin une liquidation des op'erations de son 'etude, lesquelles 'etaient aussi compliqu'ees qu’irr'eguli`eres.
Fandor cependant reprenait :
— Plus le temps passe, et moins vous avez de chance de rattraper votre voleur. Puisque Juve n’est pas l`a, voulez-vous que nous allions jusqu’`a votre domicile ?
— Ma foi, r'epliqua le notaire, je ne demande pas mieux, monsieur Fandor ; j’avais peur tout seul, certainement, mais avec vous, je ne crains rien…
Le journaliste, d`es lors, sans souci du costume qu’il portait, se levait, quittait la chambre, s’engageait sur le palier.