Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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— Laissez-moi, laissez-moi ! hurla-t-il, et d`es lors retrouvant son 'energie pour fuir, il d'etalait de toute la vitesse de ses jambes.
Les trois jeunes gens se regardaient stup'efaits.
— Qu’est-ce que cela signifie ? se disaient-ils. Il semble `a moiti'e fou…
C’'etait le substitut qui venait d’'emettre cette opinion.
Le juge hocha la t^ete.
— Moi, je le crois tr`es malade, ou alors peut-^etre a-t-il bu…
Interloqu'es, les trois jeunes gens continuaient leur route, quant `a Gauvin, qui avait tourn'e la premi`ere rue, il 'etait d'esormais hors de vue…
Le malheureux notaire se trouvait maintenant `a l’entr'ee d’une petite place compl`etement d'eserte. Il s’'etait tapi dans un angle obscur, entre deux maisons, et d`es lors tout son corps frissonnait !
Quelle abominable plaisanterie venait de faire le substitut !… Gauvin avait failli s’'evanouir d’effroi en entendant le magistrat prof'erer en riant :
— Au nom de la loi, je vous arr^ete…
Et, en effet, Gauvin songeait que, dans quelques jours, le lendemain peut-^etre, ce m^eme substitut du procureur prononcerait les m^emes paroles `a son 'egard, mais alors sans ironie et pour de bon…
C’est pourquoi Gauvin avait voulu fuir, terrifi'e `a l’id'ee que, peut-^etre, cette plaisanterie toute fortuite, 'etait pour lui comme un avertissement.
Il 'etait environ neuf heures du soir, et machinalement Gauvin, qui errait dans les rues, cherchant les voies les plus d'esertes, 'etait arriv'e au point de d'epart des tramways 'electriques qui font le service entre Grenoble et Dom`ene.
Gauvin, depuis quelques instants d'ej`a, nourrissait un projet.
Ses pas instinctivement l’avaient conduit dans la direction du v'ehicule public allant de Dom`ene, c’est-`a-dire `a la bourgade o`u se trouvait l’habitation de sa cliente, M me Verdon.
Gauvin fouillait sa poche, il y trouvait encore quelque menue monnaie.
Il avait de quoi prendre le tramway, il sauta dans le v'ehicule au moment o`u celui-ci d'emarrait.
Qu’allait donc faire Gauvin `a Dom`ene ?
— Comment vous sentez-vous, ma ch`ere amie ?
D’une voix toute bris'ee d’'emotion, une vieille dame aux cheveux blancs, qui reposait 'etendue dans une berg`ere, articula d’une voix dolente :
— Mieux, mon bon ami, merci, je suis encore bien faible…
La voix de l’interlocuteur reprenait :
— Il faut monter vous coucher et prendre du repos.
— H'elas ! h'elas ! reprenait la vieille dame, pourrai-je avoir jamais un sommeil paisible, tant que je n’aurai pas retrouv'e mon enfant ch'eri, que je ne saurai ce qu’il est devenu, celui qui s’est fait un nom c'el`ebre, honorable et glorieux, sous le pseudonyme de J'er^ome Fandor.
La personne qui parlait ainsi n’'etait autre que M me Verdon, ou, pour mieux dire, que M me Rambert, pour laquelle Fant^omas, dans l’apr`es-midi pr'ec'edente, s’'etait fait passer pour son mari d'efunt 'Etienne Rambert.
— Il faut, pensa Fant^omas, que je la rassure.
— Notre enfant, d'eclara-t-il, ne court point de danger. En m^eme temps que je descendais d^iner, tout `a l’heure, j’ai fait le n'ecessaire aupr`es des mis'erables qui d'etiennent notre enfant et qui exigent une rancon pour lui rendre sa libert'e. Vous pouvez dormir tranquille ; il ne sera pas touch'e `a un seul cheveu de la t^ete de Fandor, jusqu’`a ce que je sois intervenu.
Fant^omas s’arr^etait brusquement : un coup sec venait d’^etre frapp'e `a la porte.
Le domestique, que l’on autorisait `a entrer annoncait :
— M e Gauvin !
Ce nom produisait sur les deux personnes devant lesquelles il 'etait prononc'e une impression bien diff'erente.
Soudain le visage de M me Rambert s’'etait rass'er'en'e.
— Ah ! fit-elle, en jetant un regard affectueux `a Fant^omas, je comprends maintenant ce que vous avait fait tout `a l’heure ; vous avez fait pr'evenir le notaire de venir ici d’urgence, pour nous apporter mon argent pour que vous puissiez courir et lib'erer Fandor.
— Effectivement, d'eclara Fant^omas, qui ne voulait point contrarier la vieille dame, mais que g^enait consid'erablement l’arriv'ee inopin'ee du notaire.
— Que peut-il bien vouloir ? pensait-il, et que peut bien venir faire cet homme `a une heure pareille chez M me Verdon ?
La m`ere de Fandor, malgr'e sa fatigue et sa faiblesse, se soulevait de son fauteuil pour r'epondre au domestique :
— Il va falloir faire monter M e Gauvin.
Fant^omas sursauta :
— Non, non ! cria-t-il.
Puis, trouvant sans doute que sa protestation 'etait trop violente, il reprit sur un ton aimable et doucereux :
— Croyez-moi, ch`ere amie, n’en faites rien. Vous ^etes bien trop souffrante et fatigu'ee ; restez dans votre chambre, tandis que je vais aller moi-m^eme trouver le notaire et m’entendre avec lui. Il s’agit sans doute de quelque formalit'e, de signature `a donner, en 'echange de l’argent qu’il me remettra, et puisque vous m’avez donn'e plein pouvoir cet apr`es-midi, il est bien juste que je vous d'ebarrasse du souci de la gestion de votre fortune.
M me Rambert, qui avait essay'e de se soulever, retombait 'epuis'ee dans son fauteuil.
— Mon bon ami, fit-elle, j’accepte volontiers votre proposition. Comme vous le dites ces 'emotions m’ont bris'ee, et il est raisonnable que je prenne un peu de repos. Je sens que demain je serai forte et vaillante. Au surplus, le ciel ne voudrait pas que je sois malade, lorsque mon fils me reviendra, pour que je puisse le serrer dans mes bras, l’'etreindre sur ma poitrine…
Le regard de la vieille dame s’illuminait `a cette id'ee, un sourire extasi'e erra sur ses l`evres tremblantes…