Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Juve approuva encore :
— Tr`es bien. Et ce Baraban, qui 'etait-ce ?
— Un c'elibataire, cinquante-cinq `a soixante ans, je crois, poss'edant quelques rentes, vivant bien, sortant assez souvent, un joyeux drille, enfin.
Juve approuva toujours :
— De mieux en mieux, disait-il. Si le bonhomme sortait beaucoup, on trouvera facilement les indications relatives `a l’assassin.
Mais, `a ces mots, M. Havard sourit :
— L’assassin ? disait-il. Mais, Juve, je ne vous ai pas charg'e de vous occuper de lui !
Et, comme le policier `a cette d'eclaration un peu inattendue paraissait stup'efait, M. Havard reprit :
— Je ne vous ai pas charg'e de vous en occuper, pour la bonne raison qu’il est d'ej`a arr^et'e.
— Fichtre, s’'etonna Juve, vous avez 'et'e vite en besogne ! Comment cela se fait-il ?
— Je vais vous le dire.
Et M. Havard, en quelques mots succincts, alors, renseigna Juve :
— Naturellement, dit-il, quand la concierge eut p'en'etr'e dans l’appartement, quand elle se fut rendu compte de son tragique d'esordre, elle donna l’alarme. Il se passa ce qui se passe toujours en pareil cas : les voisins accoururent, on s’agita, on s’'etonna, puis on courut pr'evenir le commissariat de police.
— La rue Richer d'epend du poste du faubourg Montmartre, interrompit Juve.
— Oui. Le commissaire de police est arriv'e sur les lieux, a visit'e l’appartement, s’est rapidement convaincu qu’il y avait eu, en effet, un crime, que le malheureux Baraban devait avoir 'et'e tu'e la nuit m^eme et qu’enfin, le ou les assassins, apr`es avoir tout pill'e chez lui, avaient d^u emporter son corps dans la malle jaune dont la concierge indiqua la disparition.
— Parfaitement, et alors ?
— Alors, ayant tout bien constat'e, le commissaire de police est revenu `a son bureau et, avant de me t'el'ephoner, heureusement inspir'e, a song'e `a interroger un gardien de la paix qui, la nuit m^eme, avait 'et'e de planton rue Richer.
— L’agent n’avait rien vu, naturellement ? commenca Juve en souriant.
— Pardon, r'epliqua M. Havard, souriant lui aussi. L’agent a fait une d'eposition des plus int'eressantes. Il a rapport'e, en effet, qu’`a dix heures et demie, il avait d^u 'eloigner `a maintes reprises, et en le menacant de l’arr^eter, un jeune homme d’une vingtaine d’ann'ees dont l’attitude louche, 'etrange, avait attir'e son attention.
« Cet individu, disait l’agent, s’'etait promen'e pendant pr`es d’une heure devant la maison du crime ayant l’air d’en surveiller la facade, faisant le guet, en un mot.
— Oh, oh, remarqua Juve, et alors ?
— L’agent a pri'e ce garcon de circuler mais l’individu s’est regimb'e, l’a pris de tr`es haut, a dit qu’il attendait une dame, puis, qu’il habitait l`a, et, enfin, a donn'e son nom, Th'eodore Gauvin, fils d’un notaire de Vernon.
Juve, `a ces mots, se prit `a sourire :
— Le nom 'etait faux, bien entendu ? disait-il.
Mais M. Havard, `a ces mots, rit franchement :
— D'ecid'ement vous n’avez pas de chance dans vos suppositions, disait-il. Pr'ecis'ement, le nom n’'etait pas faux. Mais laissez-moi finir. L’agent a ajout'e que le jeune homme, chass'e par lui dans de si troublantes circonstances, s’'etait 'eloign'e `a peine une demi-heure du coin du faubourg Montmartre, le gardien de la paix l’a, en effet, apercu quelques instants plus tard post'e pr`es de la rue Berg`ere et surveillant toujours l’immeuble du crime.
— Malheureusement, concluait Juve, l’agent n’est pas intervenu `a nouveau ?
— En effet, confessa M. Havard, l’agent n’est pas intervenu `a nouveau, pour la bonne raison que l’un de ses camarades l’a remplac'e `a ce moment, et il n’a m^eme pas pens'e `a avertir celui qui le relevait. C’est ce qui fait sans doute que le crime a 'et'e commis.
Juve 'ecoutait toujours avec sang-froid les renseignements de son chef. Comme celui-ci se taisait cependant, il interrogea :
— Et c’est tout ce qu’on sait relativement `a l’assassin ?
— Sans doute ! Que voudriez-vous qu’on sache de plus ?
— Rien, avouait Juve, qui demandait encore :
— Ce jeune homme est donc arr^et'e maintenant ?
— Oui, heureusement.
Et, d’un ton triomphant, M. Havard poursuivait :
— Ayant recu le coup de t'el'ephone du commissaire de police, j’ai imm'ediatement t'el'egraphi'e au procureur de la R'epublique de Vernon qu’il fasse arr^eter le fils de M e Gauvin le plus vite possible. En consultant le tableau des notaires, en effet, j’avais pu me convaincre moi-m^eme qu’il y avait bien un notaire de ce nom `a Vernon.
M. Havard se taisait, mais consid'erait Juve avec une certaine curiosit'e.
— `A quoi pensez-vous donc ? demandait-il bient^ot. Vous faites une dr^ole de figure.
— Heu, r'epondait Juve, je r'efl'echissais, voil`a tout. Dites-moi, monsieur Havard, la conclusion de ceci, c’est qu’on ne sait pas o`u est le cadavre du mort, le cadavre de ce pauvre Baraban, mais qu’en revanche on tient son assassin ?
— Oui, r'epondait M. Havard, c’est bien cela. Vous voyez que, pour une fois, nous avons 'et'e tr`es vite en besogne : deux heures apr`es le crime nous tenions le coupable.
Juve eut un sourire vague.
— En effet, approuvait-il, on a 'et'e vite, tr`es vite, c’est m^eme une arrestation un peu trop rapide, je crois, que celle qui vient d’^etre faite. L’inculp'e a-t-il avou'e ?
— Non, le procureur de Vernon me t'el'ephone `a l’instant qu’il nie tout.
Juve, sur ces mots, se levait :
— Il est vrai, disait-il, que je ne puis avoir d’avis, puisque, en somme, je ne me suis pas rendu sur les lieux, mais tout de m^eme, de prime abord, il me semble que ce jeune homme n’est pas un assassin tr`es habile puisqu’il a donn'e lui-m^eme son nom au sergent de ville, la nuit du crime.