Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Mon mari, monsieur, ajoutait Alice, est actuellement en tourn'ee pour ses affaires.
— Tr`es bien, madame.
Juve toussait un peu, puis d'eclarait :
— Cela vaut beaucoup mieux, car ce que j’ai `a vous dire ne doit pas ^etre dit devant M. Ricard.
— Monsieur, je ne vous comprends pas.
— Vous allez me comprendre, madame.
D’un clin d’oeil, Juve attira alors l’attention de Fandor, qui n’avait d’ailleurs nul besoin de cet avertissement.
— Vous ^etes, reprit Juve, une femme charmante et je ne voudrais pour rien au monde m’exposer `a vous causer des ennuis conjugaux.
Juve insista sur le dernier mot. Alice Ricard, plus p^ale encore, tressaillit.
— Expliquez-vous clairement.
— Madame, continuait Juve, il faut d’abord que je m’excuse. La police est indiscr`ete, c’est son m'etier, c’est son devoir. Croyez bien que la d'emarche que je fais m’est impos'ee.
— Mais parlez, monsieur, parlez, par Dieu, que voulez-vous dire ?
Depuis un quart d’heure qu’il la questionnait, Juve torturait `a ce point la jeune femme qu’elle en arrivait `a ne plus ^etre capable de dissimuler son anxi'et'e.
« Tout va bien
Il demanda brutalement :
— Voyons, madame, r'epondez-moi en toute franchise, vous avez un amant, n’est-ce pas ?
Or, cette question, cette question qui avait ahuri Fandor, fit bondir Alice Ricard. Elle porta la main au coeur comme si elle e^ut pens'e mourir sur le coup.
— Monsieur, dit-elle, c’est indigne ! On n’insulte pas une femme. Mon mari…
Juve ne sourcillait m^eme pas. Il laissait passer la premi`ere 'emotion d’Alice Ricard, puis, fouillant dans son portefeuille, il tendit `a la jeune femme, la photographie que lui avait remise, le matin m^eme l’'equivoque 'Emile.
— Madame, d'eclara Juve, vous alliez avec M. Baraban, votre oncle, au Nocturn-H^otel. Vous ^etes sa ma^itresse, je le sais, ne niez pas.
Juve parlait avec une grande autorit'e, ayant l’air de poss'eder une certitude absolue.
Il r'ep'eta apr`es quelques instants de silence :
— Je le sais, voyons. Avouez ! C’est vrai ?
Alors Alice Ricard perdit compl`etement la t^ete. La jeune femme 'eclata en sanglots nerveux.
— Monsieur, b'egaya-t-elle, je ne sais pas ce que je dois vous r'epondre, Si mon mari savait ? Il est d'ej`a si malheureux depuis la mort de mon pauvre oncle. Ah, monsieur…
— Madame, affirma Juve, je ne pr'eviendrai pas M. Ricard. Mais dites-moi, vous reconnaissez bien avoir 'et'e la ma^itresse de M. Baraban ? C’est bien vous qui ^etes photographi'ee ici ? C’est bien vous qui alliez avec lui au Crocodiled’abord, au Nocturn-H^otelensuite ?
Alice Ricard, `a ce moment, se jeta aux genoux de Juve :
— Monsieur, monsieur, j’avoue tout ce que vous voudrez, criait la jolie femme, mais, de gr^ace, que mon mari ne sache rien !
— Soyez donc tranquille, madame, je vous promets la discr'etion.
— Songez que si Fernand se doutait que j’ai 'et'e la ma^itresse de notre oncle, ce serait notre m'enage `a jamais malheureux.
— Mais, madame…
Juve commencait `a ^etre g^en'e du d'esespoir de la jeune femme.
`A cet instant, il comprenait fort bien, d’ailleurs, pourquoi Alice Ricard s’'etait tue, pourquoi, alors que de tout c^ot'e il cherchait la femme qui pouvait avoir connu Baraban, elle n’'etait point venue dire qu’elle 'etait la ma^itresse du vieillard.
Alice Ricard, `a coup s^ur, avait surtout tenu `a 'eviter que son mari ne f^ut renseign'e.
— C’est une petite madame Bovary, pensait Juve. Parbleu, c’est l’'eternelle histoire, l’oncle 'etait riche, il donnait des sous, le mari n’en savait rien.
Et, en m^eme temps, Juve songeait, t^etu comme toujours :
« Assur'ement, le drame va s’expliquer maintenant d’un instant `a l’autre. Je parierais que d’ici quelques minutes, Alice Ricard va m’avouer que son oncle est vivant, bien vivant, qu’il a fait le mort pour tromper le mari, et qu’elle-m^eme s’appr^ete `a le rejoindre d`es que le scandale sera 'etouff'e.
Juve allait cuisiner encore la jeune femme dans ce sens, lorsque `a l’improviste deux personnages entr`erent dans le salon.
L’un 'etait Fernand Ricard, l’autre 'etait Michel, l’inspecteur de la S^uret'e.
18 – BARABAN, MORT OU VIF ?
`A l’apparition de Fernand Ricard et de l’inspecteur Michel, Juve et Fandor, 'egalement surpris, se lev`erent d’un m^eme mouvement, cependant que la jolie Alice, encore tr`es 'emue, s’'elancait vers son mari.
Juve pouvait ^etre 'etonn'e `a bon droit.
Que Fernand Ricard rentr^at chez lui, cela n’avait 'evidemment rien d’exorbitant, mais qu’il y rev^int en compagnie de Michel, c’est-`a-dire de l’inspecteur de la police parisienne, c’'etait inattendu.
Juve remarqua en un instant que le courtier en vins paraissait pr'eoccup'e, qu’il froncait les sourcils, qu’il gardait la t^ete basse, qu’en un mot, il semblait violemment 'emu. Michel, tout au contraire, 'etait souriant, impassible, avait l’air de la meilleure humeur.