Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Th'eodore est pourtant innocent, criait M e Gauvin. C’est monstrueux d’oser le soupconner !
L’autre personne, `a c^ot'e du notaire, s’emportait `a son tour :
— Et moi, disait-il, je jurerais que Brigitte a dit la v'erit'e. Il est inadmissible qu’elle ait pris part `a l’assassinat de ce monsieur Baraban. Je donnerais ma t^ete `a couper…
— Ma^itre Faramont, d'eclara Juve avec un s'erieux comique, interrompant l’interlocuteur – car c’'etait bien le jeune stagiaire qui parlait ainsi —, il ne faut jamais donner sa t^ete `a couper, c’est une op'eration dangereuse et d'eplac'ee. J’esp`ere bien, d’ailleurs, qu’il n’y aura pas de sit^ot du travail pour Deibler `a propos de cet assassinat.
Juve se d'ebarrassa des deux hommes par de rapides poign'ees de main, avanca de quelques pas le long de la galerie.
Un homme, sorti d’une embrasure de fen^etre, courait `a lui.
— Juve ! Juve !
— Tiens, c’est vous, Michel ? Qu’est-ce que vous faites l`a ?
— Je suis convoqu'e pour les d'epositions et puis, il y a autre chose ; le patron est l`a.
— Quel patron ? Havard ?
— Oui.
Juve haussa les 'epaules et fit la grimace :
— Ah, on avait bien besoin de lui, grommela-t-il.
Mais Juve avait trop le respect de ses chefs pour m'edire plus longtemps de M. Havard :
— Apr`es tout, on peut bien le laisser travailler. Si Havard se trompe, nous n’en serons pas responsables.
Et changeant de ton, Juve interrogeait :
— Qui a 'et'e commis ?
— Un sieur Marsec. C’est un jeune juge d’instruction. Je ne le connais pas, chef.
— Moi non plus.
Ils allaient continuer `a causer lorsqu’une porte s’ouvrit `a quelque distance, un garde r'epublicain apparut et appela `a haute voix :
— Les personnes pour l’affaire Baraban sont-elles l`a ?
Derri`ere lui, un petit homme noir, coiff'e d’une calotte grecque surgit, minuscule et grotesque.
— Taisez-vous donc, garde, disait-il, ce n’est point comme cela qu’on appelle les t'emoins. Et d’abord ce n’est pas vous qui avez `a faire cet appel, mais moi.
Il 'etait greffier et tenait `a 'etaler ses pr'erogatives devant la galerie.
L’homme minuscule, cependant, ayant r'eprimand'e le garde r'epublicain, cria d’une voix suraigu"e :
— Ma^itre Gauvin, ma^itre Faramont, l’inspecteur Michel.
Les trois hommes s’avanc`erent. Juve ajouta :
— Et l’inspecteur Juve.
— Non, fit le greffier, il n’est pas convoqu'e.
— Tant pis, je me convoque tout seul.
Le greffier ouvrit les bras pour barrer la porte d’entr'ee du cabinet d’instruction.
— Monsieur, d'eclarait-il d’un ton agressif `a Juve, vous ne passerez pas, il n’y a que les t'emoins.
Par bonheur, derri`ere le petit homme, le juge, `a son tour apparaissait.
— Vous, Juve ? d'eclara-t-il, entrez donc. Je ne vous ai point fait adresser de petit avis car je pensais bien que vous viendriez.
Juve entra, serra la main du juge d’instruction, se rappelant subitement qu’il avait connu ce Marsec alors qu’il 'etait juge suppl'eant en Bretagne, lors des terribles proc`es qui s’'etaient engag'es au moment de la fuite de Fant^omas sur le cuirass'e russe Skobeleff [10].
Tout le monde 'etait entr'e dans le cabinet d’instruction. Le juge avait `a peine fait asseoir ceux qu’il allait entendre qu’on frappait `a nouveau `a la porte.
`A la seconde, celle-ci s’ouvrit, une t^ete passa. M. Havard demanda :
— Puis-je entrer ?
— Comment donc, riposta le juge.
Juve et M. Havard se serr`erent la main, ils 'echang`erent des congratulations, puis le magistrat instructeur d'eclara :
— Messieurs, je vous ai pri'es de venir, `a titre de t'emoins pour assister ce matin `a une confrontation qui m’est demand'ee, par commission rogatoire, par le Parquet de Vernon. Il y a d’ailleurs, et je tiens `a le faire remarquer, une question de droit `a 'etudier `a ce sujet. Le Parquet de Vernon n’'etait aucunement qualifi'e pour s’occuper d’une affaire relative `a un crime perp'etr'e `a Paris. Enfin, laissons cela.
Juve, `a cet instant, sourit, pensant :
« Voil`a d'ecid'ement un petit juge cassant et pr'etentieux. On n’en a pas fini, s’il veut ainsi faire des mani`eres.
Et se penchant `a l’oreille de M. Havard, Juve ajouta :
— C’est un imb'ecile, ce magistrat.
Mais Havard roulait des yeux furieux :
— C’est un garcon remarquable, dit-il.
Juve se le tint pour dit.
« Bon ! songea encore le policier, le patron est de m'echante humeur. Taisons-nous. »
Au m^eme instant, le magistrat reprenait :
— Messieurs, nous allons mettre en pr'esence les deux inculp'es actuellement d'etenus, c’est-`a-dire le jeune Th'eodore Gauvin et la nomm'ee Brigitte. Ils invoquent tous deux le m^eme alibi. Ils pr'etendent que, sans se conna^itre, ils se sont rencontr'es sous l’arche d’un pont, `a deux heures du matin, c’est-`a-dire `a peu pr`es `a l’heure du crime, au cours de la nuit tragique. Nous allons voir s’ils vont persister dans ces affirmations.
Parlant de plus en plus s`echement, le juge se retournait vers le garde r'epublicain :
— Faites entrer la nomm'ee Brigitte.
Un instant apr`es, la jeune femme 'etait introduite dans le cabinet du juge d’instruction.
Brigitte 'etait effroyablement p^ale. Ses yeux 'etaient tir'es, gonfl'es par les larmes, et les sanglots lui secouaient encore convulsivement les 'epaules.
`A peine avait-elle p'en'etr'e dans la petite pi`ece, qu’apercevant Jacques Faramont, tr`es 'emu lui aussi, elle s’'elanca vers lui :