Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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— Les cl'es de M. Baraban ? demanda-t-il.
La concierge avait 'et'e, en effet, nomm'ee gardienne des scell'es, ainsi qu’il est d’usage.
— Seigneur, doux J'esus, s’exclama-t-elle en reconnaissant le chef de la police, c’est-il encore que vous allez monter `a l’appartement de ce pauvre cher brave homme ? Conna^it-on son assassin ?
— On ne conna^it rien du tout, affirma M. Havard.
Et de plus en plus autoritaire, le chef de la S^uret'e ajouta :
— D’ailleurs, madame, si vous voulez ^etre renseign'ee, vous n’avez qu’`a lire le journal. Vous y trouverez tout ce qu’il y a d’important `a conna^itre pour vous.
En possession des cl'es, `a peine toucha-t-il son chapeau.
— Gardez votre loge et ne laissez monter personne ! M. Juve et moi nous allons travailler.
M. Havard s’en alla sur ces mots, ne se doutant point qu’en brusquant la digne porti`ere, il venait de s’en faire une ennemie, ce qui n’'etait peut-^etre pas tr`es adroit.
Tandis que le chef de la S^uret'e, en effet, montait en compagnie de Juve vers l’appartement sinistre, la concierge, femme de bon sens, jugea la situation d’un mot :
— En voil`a un cr^aneur ! disait-elle. Ca a l’air de se croire le Pr'esident de la R'epublique ! Parbleu, s’il savait quelque chose, il serait bien trop content de le dire. C’est pas M. Fandor, ni M. Juve qui m’enverraient promener comme ca. Mais aussi, tous les deux, ce sont des malins.
Pendant que la concierge monologuait de la sorte, M. Havard et le policier arrivaient `a l’appartement tragique.
— Ainsi, commenca Juve, vous avez l’intention de perquisitionner `a nouveau ?
— Oui, r'epliqua M. Havard, et de causer avec vous, tout d’abord.
Le chef de la S^uret'e brisa d’un doigt, en vertu de sa qualit'e de commissaire de police, les scell'es appos'es le jour du crime sur la porte de l’appartement.
— Entrez, mon cher Juve.
Les deux hommes p'en'etr`erent dans le corridor, se d'ecouvrirent et malgr'e eux, frissonn`erent :
— Bigre, constatait M. Havard, on a beau ^etre habitu'e, cela fait tout de m^eme un dr^ole d’effet. Ca sent la mort ici, hein ?
Juve ne r'epondit point, mais il devait s’avouer, en effet, malgr'e ses convictions intimes, qu’il 'etait impossible de nier que l’aspect de l’appartement 'etait tragique, effroyable. Comme le disait M. Havard, cela sentait la mort.
Depuis le crime, en effet, nul n’'etait rentr'e dans le petit appartement dont Juve avait soigneusement respect'e le d'esordre lors de sa premi`ere enqu^ete.
Les meubles apparaissaient toujours renvers'es, bris'es, 'eventr'es. Les couvertures du lit de la chambre `a coucher gisaient toujours sur le sol, et surtout, il y avait, aussi bien sur le parquet de la salle `a manger que sur les tapis de la chambre, que sur les carpettes des corridors, de larges taches rouge^atres, faites d’un liquide 'epais, coagul'e, des taches de sang.
— Par quoi commencons-nous ? demanda Juve.
M. Havard s’assit :
— Par causer, dit-il. J’ai d’ailleurs une confession `a vous faire, Juve.
Or, `a ces mots, le policier sursauta :
— Parbleu, vous reconnaissez, chef, que la th`ese de l’assassinat ne tient pas debout et vous avez d'ecouvert quelque chose qui vous fait admettre ma th'eorie ? La th'eorie de la fugue ?
Juve parlait avec une enti`ere bonne foi, librement. Il se mordit les l`evres en entendant la r'eponse de son chef :
— Sapristi, que vous ^etes insupportable, Juve ! Quand vous avez une id'ee dans la t^ete, il n’y a pas moyen de vous en faire d'emordre.
— A"ie, pensait Juve `a ce moment, j’ai parl'e trop vite, c’est une gaffe. Le patron va se vexer et ne me dira rien.
M. Havard, cependant, apr`es un mouvement d’impatience, redevint souriant :
— Juve, dit-il, regardez autour de vous, et r'epondez-moi de sang-froid. Voyons, est-ce qu’en pr'esence de tout le d'esordre de cette pi`ece, vous pouvez soutenir qu’il n’y a pas eu assassinat ? Est-ce que ce sang, qui tra^ine sur le plancher… ? Est-ce que ce meuble fractur'e… ? Est-ce que ce lit d'efait… ?
— Monsieur Havard, interrompit Juve, ne discutons pas, si vous le voulez bien, sur des hypoth`eses. Vous avez appris du nouveau. Quel est ce nouveau ?
M. Havard, cependant, devait ^etre ce jour-l`a de bien bonne humeur, car, cette fois encore il ne se f^acha pas :
— Vous voulez apprendre ce que je sais de nouveau ? disait-il. Eh bien, soyez satisfait. Voil`a…
Juve 'etait tout oreille. M. Havard ne se d'ep^echait pas de le renseigner. Le chef de la S^uret'e s’amusait, 'evidemment, de l’impatience de l’inspecteur.
— Juve, reprenait-il enfin, j’ai eu, hier soir une excellente id'ee, en vous quittant au Palais de Justice. J’ai fait convoquer, d’une part, tous les agents plongeurs et, d’autre part, tous les brigadiers de la S^uret'e qui 'etaient disponibles.
— Pour quoi faire ?
— C’est simple. Les agents plongeurs doivent, aux termes de leur r`eglement, se tenir toujours sur les berges, n’est-ce pas ? J’ai voulu les interroger et savoir si l’un d’eux, par hasard, n’avait pas apercu Th'eodore Gauvin et la nomm'ee Brigitte, la nuit du crime, c’est-`a-dire si l’alibi invoqu'e par ces individus 'etait exact.
— Et alors ? demanda Juve.
— Et alors, articula lentement M. Havard, il s’est trouv'e que l’id'ee 'etait excellente. L’agent 66 a 'et'e tr`es affirmatif. Il a pu m’affirmer qu’il avait vu cette nuit-l`a Th'eodore Gauvin et la jeune femme se promener sur les berges. Cet agent 'etait d’autant plus certain de son fait, qu’il avait remarqu'e que le jeune Th'eodore Gauvin semblait ^etre un monsieur vraiment bien habill'e pour donner le bras `a une femme du genre de Brigitte qu’il avait prise pour une pierreuse.