Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
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Juve, `a ces mots, se frottait les mains :
— Ma foi, disait-il, vous avez raison, patron, vous n’avez pas perdu votre temps. Cette d'eposition innocente compl`etement le petit Th'eodore et Brigitte.
— Non, dit M. Havard, car enfin l’agent peut se tromper et, en tout cas, rien ne prouve que, tr`es justement, cette rencontre ne soit point un rendez-vous pr'em'edit'e des deux complices. Mais enfin, tout de m^eme, c’est plut^ot une pr'esomption d’innocence. Mais enfin, oui, je conviens que ces jeunes gens ne pouvaient pas ^etre rue Richer `a l’heure du crime, puisqu’on les a vus sous un pont au m^eme moment…
Le chef de la S^uret'e se taisait, Juve interrogea encore :
— Et pourquoi avez-vous fait demander tous les brigadiers de S^uret'e disponibles ?
— Pour leur enjoindre, mon cher Juve, de faire hier soir une rafle parmi les individus qui fr'equentent habituellement les ponts, qui y cherchent chaque nuit un abri contre le froid et une cachette contre les sergents de ville.
Juve approuva encore :
— Excellente id'ee, chef. Je suis confus de ne pas avoir pens'e `a cela.
— On ne pense pas `a tout, dit M. Havard, et, quand on s’occupe d’une fugue, alors qu’il s’agit d’un assassinat… Mon cher Juve, j’ai interrog'e ce matin les individus arr^et'es hier, et l’un d’eux, un ouvrier terrassier, actuellement sans travail, mais semblant fort honn^ete, n’ayant en somme d’autre vice que d’^etre dans la mis`ere, m’a confirm'e la d'eposition de l’agent 66. Il n’y a plus de doute `a avoir, il est 'etabli que Brigitte et Th'eodore Gauvin sont innocents.
M. Havard dit cela d’un ton de triomphe. C’'etait d’un ton de triomphe que Juve poursuivait la phrase commenc'ee :
— Et cela 'etabli, disait le policier, on tente de d'emontrer que, peut-^etre bien, M. Havard, il n’y a pas crime. Le principal argument en faveur du crime, c’'etait en effet que vous teniez les assassins. Or, les assassins sont innocents. M. Havard, je vous dis qu’il y a fugue !
Obstin'ement, Juve en revenait `a ses th'eories. M. Havard lui r'epondit convaincu :
— Je n’ai pas d’assassins en ce moment, reconnaissait en effet le chef de la S^uret'e, mais je suis ici pour en chercher. Voyez-vous, Juve, il y a vraiment trop de sang dans cette pi`ece pour que je croie `a une fugue.
Juve, `a ces mots, se contenta d’esquisser un geste de doute :
— Mise en sc`ene, dit-il. Rien que mise en sc`ene !
`A quoi, M. Havard avec le m^eme geste de doute, r'epondit :
— C’est une explication qui n’explique rien.
Les deux hommes, d`es lors, se lev`erent. Juve comprenait bien que M. Havard 'etait sinc`ere, et M. Havard avait, au fond de lui-m^eme, une trop grande confiance en Juve pour le soupconner de parti pris.
— Voulez-vous que nous cherchions ensemble la v'erit'e ? proposa-t-il.
— Accept'e.
— Eh bien, perquisitionnons !
Une besogne longue, compliqu'ee, d'esagr'eable, commenca.
Juve et M. Havard, pi`ece par pi`ece, fouill`erent chaque meuble, examin`erent les papiers, v'erifi`erent le moindre d'etail du d'esordre.
Et, tout d’abord, ils ne trouv`erent rien. C’est seulement apr`es trois heures de recherches, que Juve poussait un cri de surprise :
— Monsieur Havard, appela-t-il.
— Quoi donc ?
— Venez vite !
M. Havard 'etait `a ce moment-l`a dans la salle `a manger. Il accourut pour trouver Juve accroupi sur le tapis de la chambre `a coucher.
— Vous avez trouv'e quelque chose ? demanda-t-il.
— Regardez ! r'epondit Juve.
Le policier d'esignait du doigt tendu une chemin'ee, dont la trappe 'etait baiss'ee, et que M. Havard consid'era quelques instants en silence.
— Eh bien ? interrogea le chef de la S^uret'e, qui semblait ne pas comprendre. Qu’est-ce qu’il y a de ce c^ot'e-l`a ?
— Il y a du sable, r'epondit Juve.
Cette fois, M. Havard bondit en avant :
— Du sable ? r'ep'etait-il. Dieu me pardonne, mais vous avez raison.
Juve, en effet, ne se trompait pas. Sur le marbre de la chemin'ee, il y avait des traces de sable, qui, chose curieuse, semblait avoir gliss'e par-dessous les t^oles de la trappe.
— Qu’est-ce que cela veut dire ? commenca M. Havard. Quelles conclusions en tirez-vous ?
Juve se releva et s’approcha de la chemin'ee.
— Jusqu’`a pr'esent, disait-il, je ne conclus pas, je constate. Il y a du sable, voil`a tout. Je ne l’avais pas vu le premier jour, et cela m’'etonne.
Juve, en parlant, relevait du bout de sa bottine, la trappe de la chemin'ee.
Une exclamation alors, exclamation de surprise, d’angoisse aussi, s’'echappa de ses l`evres :
— Bon Dieu, dit le policier, c’est invraisemblable !
La trappe lev'ee, Juve et M. Havard venaient de d'ecouvrir que la chemin'ee 'etait remplie de sable, de gros sable, et que ce sable 'etait rouge, rouge de sang.
— Je ne comprends pas, murmura le chef de la S^uret'e.
Juve, lui, ne disait rien. Il s’'etait arm'e de pincettes et fouillait parmi l’amas de terre.
— Oh, oh, fit-il d’un coup, devenant tr`es p^ale.
M. Havard lui aussi, paraissait tr`es 'emu.