Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
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Puis, s’'etant enquis aupr`es d’un employ'e d’un renseignement qui sans doute lui tenait `a coeur, il parut fort d'esappoint'e d’avoir une r'eponse n'egative.
Cet homme avait demand'e :
— `A quelle heure le train pour Dom`ene part-il d’ici ?
Ce `a quoi le facteur de la gare lui avait r'etorqu'e :
— Le train de Dom`ene, monsieur, ne part point d’ici pour cette bonne raison que cette localit'e n’est point desservie par le chemin de fer du P.-L.-M. mais bien par la Soci'et'e des chemins de fer sur route Dauphinoise. Sortez de la gare, suivez l’avenue pendant trois cents m`etres ; vous arriverez `a la place Grenette et l`a, on vous indiquera l’horaire du train qui doit vous conduire `a destination.
— Merci, fit l’homme, qui, froncant les sourcils, toussant, crachant, enfonca son chapeau sur ses yeux d’un coup de poing, et partit `a pied dans la direction qu’on lui avait indiqu'ee.
— Dr^ole de citoyen ! pensait l’employ'e, qui le consid'erant avec un air m'eprisant, ajoutait `a mi-voix :
— Encore un mange-b'en'efice qui vient de voyager aux frais de la Compagnie !…
Ce personnage, en effet, qui 'etait descendu d’un wagon de premi`ere classe, avait remis `a la sortie de la gare un coupon de circulation gratuite.
Sans se douter cependant que sa personne n’inspirait point l’estime et le respect `a l’employ'e de la gare, le voyageur arriv'e de Paris s’acheminait `a pas press'es dans la direction de la place Grenette.
Il y trouva les renseignements voulus et apprit, non sans regret, qu’il allait lui falloir attendre une heure et demie avant d’avoir un train susceptible de le conduire `a Dom`ene.
— `A quelle distance en sommes-nous ? demanda-t-il.
Le chef de la station des chemins de fer sur route le renseignait :
— Quinze kilom`etres, monsieur.
— Et votre tortillard, poursuivit le voyageur, met combien de temps pour effectuer ce trajet ?
— Une petite heure et quart.
L’homme calcula :
— Une heure et demie d’attente… un heure et demie de trajet… j’ai tout avantage `a m’y rendre `a pied !
Et d`es lors, ayant arr^et'e cette d'ecision, avant de se mettre en route, il entrait dans un petit restaurant et se faisait servir un solide d'ejeuner froid afin de se lester l’estomac.
Quiconque l’aurait vu dans ce petit 'etablissement modeste, d'egustant rapidement, mais sans nervosit'e, deux oeufs au jambon, une tranche de viande froide qu’il arrosait d’un petit vin clair du pays, ne se serait certes pas dout'e de la personnalit'e de ce consommateur.
Il 'etait cependant populaire, c'el`ebre, il avait un nom qui inspirait la confiance et le respect, on savait que chaque fois qu’il y avait quelque part, un risque ou un danger, une audace quelconque `a manifester, on l’y trouvait.
Cet homme l`a, en effet, c’'etait Juve !
Le policier, sit^ot 'echapp'e de la bande sinistre des apaches dans laquelle il 'etait si extraordinairement tomb'e, n’avait eu en effet qu’une id'ee, poursuivre son enqu^ete, et s’efforcer de savoir, en venant `a Grenoble, pour quel myst'erieux motif l’infortun'e Daniel avait 'et'e assassin'e.
Juve avait quitt'e Paris rass'er'en'e, satisfait d’avoir des nouvelles de Fandor, rassur'e 'egalement au point de vue du coup de t'el'ephone de Bouzille aux termes duquel le cadavre de Daniel aurait disparu de la morgue.
Il avait pouss'e un profond soupir en voyant comme pr'ec'edemment, gisant 'etendu sur les dalles de la salle frigorifique la d'epouille mortelle de celui que la nature, aid'ee du maquillage, avaient si bien fait ressembler `a son ami Fandor, au point que lorsqu’il l’avait vu pour la premi`ere fois, dans le train d’Amsterdam `a Bruxelles, Juve s’y 'etait tromp'e, et s’'etait tromp'e `a nouveau `a la morgue !…
Le policier, d'esormais, enfoncait ses deux mains dans ses poches, l^achait les boutons de son pardessus et sortait de Grenoble par la route de Gi`eres conduisant `a Dom`ene.
Il passait de nombreux tramways 'electriques conduisant `a Uriage, et Juve aurait pu les prendre, pour s’'epargner une partie du chemin.
Mais non seulement il 'eprouvait le besoin de se d'egourdir les jambes et de profiter de l’air pur de cette belle matin'ee de printemps, mais encore il estimait que la marche allait lui 'eclaircir les id'ees et qu’en outre il importait de ne pas arriver trop t^ot au domicile de la personne `a laquelle il pr'etendait rendre visite.
Juve 'etait en effet venu `a Grenoble dans le but de faire la connaissance de cette M me Verdon dont il avait entendu parler `a plusieurs reprises et qui se trouvait indirectement m^el'ee `a la myst'erieuse affaire qui avait eu pour grave cons'equence la mort encore inexpliqu'ee du jeune Daniel.
Gauvin, le jeune notaire de Grenoble, avait fourni `a Juve des renseignements bizarres sur M me Verdon, sa cliente.
Certes, le policier, qui connaissait le pass'e 'egalement bizarre du jeune tabellion, tenait ce dernier dans une m'ediocre estime, et n’'etait pas dispos'e `a consid'erer chacune de ses paroles comme ayant la vertu des paroles d’'Evangile. N'eanmoins, le policier estimait que le mieux 'etait pour lui de se rendre compte et de s’entretenir avec la personne qui, malgr'e tout, semblait m^el'ee `a la tragique aventure conclue par la mort de Daniel.
M me Verdon, lui avait-on dit, est une vieille dame riche, qui vit en c'elibataire, dans une petite propri'et'e coquette et confortable qu’elle poss`ede. C’est une femme de moeurs tr`es simples, en excellents termes avec tout le monde, mais n’ayant d’intimit'e avec personne.
Elle recoit peu de lettres, elle n’introduit jamais de gens chez elle ; son existence para^it normale. Elle est ^ag'ee, sort peu, ce qui est compr'ehensible, et vit dans un 'el'egance bourgeoise du meilleur aloi qui laisse supposer que cette femme n’a eu ni revers de fortune, ni d'eboires, et que, d’autre part, ce n’est point une parvenue.