Le Cadavre G?ant (Гигантский кадавр)
Шрифт:
Juve s’'etait efforc'e d’obtenir de Gauvin quelques renseignements sur la situation p'ecuniaire de M me Verdon.
Le jeune homme, soit parce qu’il ne voulait pas renseigner le policier, soit parce qu’il avait r'eellement le respect du secret professionnel, s’'etait refus'e `a toute communication sur ce point.
Certes, Juve avait 'et'e mis au courant des mauvais bruits qui couraient sur M me Verdon…
Et notamment, quelques personnes lui avaient dit que c’'etait une aventuri`ere, d’autres, que c’'etait une femme ayant le plus terrible myst`ere dans son existence ; mais le policier savait trop ce que valent ces sortes de renseignements, pour y pr^eter attention.
Finalement, il finissait par n’avoir confiance qu’en une seule chose, son opinion personnelle.
Il arriva `a Dom`ene vers neuf heures et demie du matin et trouva le pittoresque village tout particuli`erement anim'e.
Il y avait eu, la veille, march'e aux gants, et, ce jour-l`a, les ouvri`eres prenaient quelque repos et s’accordaient de la libert'e ; des promenades s’organisaient, les gens sortaient de chez eux en habit de f^ete. Le lendemain du march'e `a Dom`ene, c’est un v'eritable dimanche.
Juve s’installait dans un cabaret de la place principale. L’'etablissement 'etait fort achaland'e, car il constituait en m^eme temps la salle d’attente de la station du chemin de fer sur route, qui d'esormais n’allait pas tarder `a arriver de Grenoble.
Il y avait l`a des couples d’amoureux, de braves familles de paysans, tra^inant `a leur remorque des douzaines d’enfants au nez sale. Quelques vieux montagnards avec leurs b^atons et leurs souliers ferr'es, jetaient une note pittoresque dans cette foule bruyante et joyeuse, qui se pr'eparait `a partir soit pour Grenoble, soit pour les villages environnants.
Juve s’'etait attabl'e au fond du cabaret, et il profitait de la consid'eration qu’il avait fait na^itre imm'ediatement en commandant une bouteille de vin bouch'e pour faire causer le patron de l’'etablissement.
— Je suis courtier, disait-il, je vends des tapis. J’ai de superbes 'echantillons `a la gare, mais je les ai laiss'es pour ne pas m’encombrer. Vous qui ^etes du pays, ne pourriez-vous pas m’indiquer quelques personnes `a qui je pourrais aller faire des offres ?
`A quoi r'etorqua le cabaretier :
— Nous autres, ici, nous ne sommes gu`ere riches, et les gens qui ont un bas de laine, ne s’amusent pas `a faire du luxe. Les tapis, c’est du superflu, et je ne vois personne qui puisse vous en acheter, `a part l’'epicier du coin… Et encore ce sont des tapis brosses qu’il tient, comme qui dirait des paillassons. Est-ce que c’est cela votre genre ?
— Non, fit Juve en souriant. Moi, je tiens des tapis de Turquie, des tapis d’Orient, des tapis de luxe en un mot…
— Eh bien, mon garcon, coupa p'eremptoirement le cabaretier, si j’ai un conseil `a vous donner, c’est de vous en retourner, car vous ne ferez point d’affaire ici.
Le policier, toutefois, versait une rasade au patron de l’'etablissement.
— Prenez donc un verre avec moi ? disait-il.
Le cabaretier ne refusait pas.
Il souriait `a son h^ote inconnu, par amabilit'e, par politesse ; en r'ealit'e, il ne savait trop que lui dire.
Juve, cependant, reprenait la parole, car le policier avait son id'ee et, sans en avoir l’air, il interrogeait :
— J’ai vu comme ca, fit-il, dans le Bottin, qu’il y a par ici une vieille dame tr`es riche, qui poss`ede de jolies propri'et'es `a l’entr'ee du village…
Le cabaretier s’esclaffa :
— Ma parole ! Le Bottin est bien renseign'e, puisqu’il donne tous ces d'etails !… Ou alors, mon garcon, vous ^etes bien au courant des habitants du pays… Vous avez raison, toutefois, et je n’y pensais pas tout `a l’heure. C’est vrai, il y a une M me Verdon, qui passe pour la ch^atelaine du village ; mais je ne la crois pas bien riche. La meilleure preuve, c’est que ces temps derniers elle cherchait un pensionnaire…
Juve l’interrompit aussit^ot.
— Pr'ecisez, demanda-t-il. Elle cherche un pensionnaire ?
Le policier, en effet, venait d’avoir subitement l’id'ee que peut-^etre, sous le pr'etexte de venir habiter chez M me Verdon, il pourrait faire sa connaissance sans lui r'ev'eler sa qualit'e.
Mais le cabaretier d'etruisait aussit^ot cet espoir.
— Elle cherchait un pensionnaire, poursuivit-il, elle l’a m^eme trouv'e… Un dr^ole de type, par exemple… C’est un professeur, `a ce qu’on dit. Je l’ai vu hier ; il est venu ici commander de la bi`ere et embaucher des domestiques pour le compte de M me Verdon.
— Elle n’avait donc pas de domestiques ? demanda Juve.
— Pas jusqu’`a pr'esent, sauf une femme de m'enage. Or, para^it que maintenant, depuis qu’elle a ce pensionnaire, il y aurait dans la maison valet de chambre, femme de chambre et cuisini`ere. `A quand le cocher et l’automobile ?…
Le cabaretier plaisantait. Juve, cependant, devenait perplexe. Assur'ement, la conduite de cette dame Verdon 'etait assez bizarre ! Comme l’avait dit le cabaretier, le fait de prendre un pensionnaire d'enotait qu’assur'ement la propri'etaire ne devait pas ^etre tr`es fortun'ee, mais le fait que sit^ot ce pensionnaire trouv'e, elle faisait des frais 'enormes, tels que l’engagement d’une domesticit'e nombreuse, 'etait de nature `a surprendre plus encore.
Juve interrogea.
— Ce pensionnaire, ce professeur, quel homme est-ce ?
— Un vieux, r'etorqua le cabaretier, avec une grande barbe blanche et un long manteau qui lui tombe jusqu’aux chevilles. Il a l’air d’un vieux juif allemand. Para^it qu’il est astrologue ou g'eologue, je ne sais pas exactement. Il s’appelle Marcus, et arrive du fin fond de la Suisse… Mais, au fait, qu’est-ce que tout cela peut bien vous faire ?
La question du cabaretier frappait Juve. Il r'etorqua simplement :